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Le Prince

Le Prince

Titel: Le Prince
Autoren: Nicolas Machiavel
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comme je l'ai dit, faire élire
pape qui il voulait, mais empêcher qu'on n'élût qui il ne voulait
pas, il ne devait jamais consentir qu'on élevât à la papauté
quelqu'un des cardinaux qu'il avait offensés, et qui, devenu
souverain pontife, aurait eu sujet de le craindre ; car le
ressentiment et la crainte sont surtout ce qui rend les hommes
ennemis.
    Ceux que le duc avait offensés étaient, entre
autres, les cardinaux de Saint-Pierre-ès-liens, Colonna,
Saint-Georges et Ascanio Sforza ; et tous les autres avaient
lieu de le craindre, excepté le cardinal d'Amboise, et les
Espagnols : ceux-ci, à cause de certaines relations et
obligations réciproques, et d'Amboise, parce qu'il avait pour lui
la France, ce qui lui donnait un grand pouvoir. Le duc devait donc
de préférence faire nommer un Espagnol ; et s'il ne le pouvait
pas, consentir plutôt à l'élection de d'Amboise qu'à celle du
cardinal de Saint-Pierre-ès-liens. C'est une erreur d'imaginer que,
chez les grands personnages, les services récents fassent oublier
les anciennes injures. Le duc, en consentant à cette élection de
Jules II, fit donc une faute qui fut la cause de sa ruine
totale.

Chapitre 8 De ceux qui sont devenus princes par des scélératesses
    On peut encore devenir prince de deux manières
qui ne tiennent entièrement ni à la fortune ni à la valeur, et que
par conséquent il ne faut point passer sous silence ; il en
est même une dont on pourrait parler plus longuement, s'il
s'agissait ici de républiques.
    Ces deux manières sont, soit de s'élever au
pouvoir souverain par la scélératesse et les forfaits, ou d'y être
porté par la faveur de ses concitoyens.
    Pour faire connaître la première, qu'il n'est
pas question d'examiner ici sous les rapports de la justice et de
la morale, je me bornerai à citer deux exemples, l'un ancien,
l'autre moderne ; car il me semble qu'ils peuvent suffire pour
quiconque se trouverait dans la nécessité de les imiter.
    Agathocle, Sicilien, parvint non seulement du
rang de simple particulier, mais de l'état le plus abject, à être
roi de Syracuse. Fils d'un potier, il se montra scélérat dans tous
les degrés que parcourut sa fortune ; mais il joignit à sa
scélératesse tant de force d'âme et de corps, que, s'étant engagé
dans la carrière militaire, il s'éleva de grade en grade jusqu'à la
dignité de préteur de Syracuse. Parvenu à cette élévation, il
voulut être prince, et même posséder par violence, et sans en avoir
obligation à personne, le pouvoir souverain qu'on avait consenti à
lui accorder. Pour atteindre ce but, s'étant concerté avec Amilcar,
général carthaginois qui commandait une armée en Sicile, il
convoqua un matin le peuple et le sénat de Syracuse, comme pour
délibérer sur des affaires qui concernaient la république ;
et, à un signal donné, il fit massacrer par ses soldats tous les
sénateurs et les citoyens les plus riches, après quoi il s'empara
de la principauté, qu'il conserva sans aucune contestation. Dans la
suite, battu deux fois par les Carthaginois, et enfin assiégé par
eux dans Syracuse, non seulement il put la défendre, mais encore,
laissant une partie de ses troupes pour soutenir le siège, il alla
avec l'autre porter la guerre en Afrique ; de sorte qu'en peu
de temps il sut forcer les Carthaginois à lever le siège, et les
réduire aux dernières extrémités : aussi furent-ils contraints
à faire la paix avec lui, à lui abandonner la possession de la
Sicile, et à se contenter pour eux de celle de l'Afrique.
    Quiconque réfléchira sur la marche et les
actions d'Agathocle n'y trouvera presque rien, si même il y trouve
quelque chose, qu'on puisse attribuer à la fortune. En effet, comme
je viens de le dire, il s'éleva au pouvoir suprême non par la
faveur, mais en passant par tous les grades militaires, qu'il gagna
successivement à force de travaux et de dangers ; et quand il
eut atteint ce pouvoir, il sut s'y maintenir par les résolutions
les plus hardies et les plus périlleuses.
    Véritablement on ne peut pas dire qu'il y ait
de la valeur à massacrer ses concitoyens, à trahir ses amis, à être
sans foi, sans pitié, sans religion : on peut, par de tels
moyens, acquérir du pouvoir, mais non de la gloire. Mais si l'on
considère avec quel courage Agathocle sut se précipiter dans les
dangers et en sortir, avec quelle force d'âme il sut et souffrir et
surmonter l'adversité, on ne voit pas pourquoi il devrait
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