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Le Prince

Le Prince

Titel: Le Prince
Autoren: Nicolas Machiavel
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malheureusement ceux qui étaient
désarmés. Sur quoi l'on doit ajouter que les peuples sont
naturellement inconstants, et que, s'il est aisé de leur persuader
quelque chose, il est difficile de les affermir dans cette
persuasion : il faut donc que les choses soient disposées de
manière que, lorsqu'ils ne croient plus, on puisse les faire croire
par force.
    Certainement Moïse, Cyrus, Thésée et Romulus
n'auraient pu faire longtemps garder leurs institutions, s'ils
avaient été désarmés ; et ils auraient eu le sort qu'a éprouvé
de nos jours le frère Jérôme Savonarola, dont toutes les
institutions périrent aussitôt que le grand nombre eut commencé de
ne plus croire en lui, attendu qu'il n'avait pas le moyen
d'affermir dans leur croyance ceux qui croyaient encore, ni de
forcer les mécréants à croire.
    Toutefois, répétons que les grands hommes tels
que ceux dont il s'agit rencontrent d'extrêmes difficultés ;
que tous les dangers sont sur leur route ; que c'est là qu'ils
ont à les surmonter ; et que lorsqu'une fois ils ont traversé
ces obstacles, qu'ils ont commencé à être en vénération, et qu'ils
se sont délivrés de ceux de même rang qui leur portaient envie, ils
demeurent puissants, tranquilles, honorés et heureux.
    À ces grands exemples que j'ai cités, j'en
veux joindre quelque autre d'un ordre inférieur, mais qui ne soit
point trop disproportionné ; et j'en choisis un seul qui
suffira : c'est celui de Hiéron de Syracuse. Simple
particulier, il devint prince de sa patrie, sans rien devoir de
plus à la fortune que la seule occasion. En effet, les Syracusains
opprimés l'élurent pour leur général, et ce fut par ses services en
cette qualité qu'il mérita d'être encore élevé au pouvoir suprême.
D'ailleurs, dans son premier état de citoyen, il avait montré tant
de vertus, qu'il a été dit de lui que pour bien régner il ne lui
manquait que d'avoir un royaume. Au surplus, Hiéron détruisit
l'ancienne milice et en établit une nouvelle ; il abandonna
les anciennes alliances pour en contracter d'autres. Ayant alors et
des soldats et des alliés entièrement à lui, il put, sur de pareils
fondements, élever l'édifice qu'il voulut ; de sorte que, s'il
n'acquit qu'avec beaucoup de peine, il n'en trouva point à
conserver.

Chapitre 7 Des principautés nouvelles qu'on acquiert par les armes d'autrui et
par la fortune
    Ceux qui, de simples particuliers, deviennent
princes par la seule faveur de la fortune, le deviennent avec peu
de peine ; mais ils en ont beaucoup à se maintenir. Aucune
difficulté ne les arrête dans leur chemin : ils y
volent ; mais elles se montrent lorsqu'ils sont arrivés.
    Tels sont ceux à qui un État est concédé, soit
moyennant une somme d'argent, soit par le bon plaisir du concédant.
C'est ainsi qu'une foule de concessions eurent lieu dans l'Ionie et
sur les bords de l'Hellespont, où Darius établit divers princes,
afin qu'ils gouvernassent ces États pour sa sûreté et pour sa
gloire. C'est encore ainsi que furent créés ceux des empereurs qui,
du rang de simples citoyens, furent élevés à l'empire par la
corruption des soldats. L'existence de tels princes dépend
entièrement de deux choses très incertaines, très variables :
de la volonté et de la fortune de ceux qui les ont créés ; et
ils ne savent ni ne peuvent se maintenir dans leur élévation. Ils
ne le savent, parce qu'à moins, qu'un homme ne soit doué d'un grand
esprit et d'une grande valeur, il est peu probable qu'ayant
toujours vécu simple particulier, il sache commander ; ils ne
le peuvent parce qu'ils n'ont point de forces qui leur soient
attachées et fidèles.
    De plus, des États subitement formés sont
comme toutes les choses qui, dans l'ordre de la nature, naissent et
croissent trop promptement : ils ne peuvent avoir des racines
assez profondes et des adhérences assez fortes pour que le premier
orage ne les renverse point ; à moins, comme je viens de le
dire, que ceux qui en sont devenus princes n'aient assez d'habileté
pour savoir se préparer sur-le-champ à conserver ce que la fortune
a mis dans leurs mains, et pour fonder, après l'élévation de leur
puissance, les bases qui auraient dû être établies auparavant.
    Relativement à ces deux manières de devenir
prince, c'est-à-dire par habileté ou par fortune, je veux alléguer
deux exemples qui vivent encore dans la mémoire des hommes de nos
jours : ce sont ceux de Francesco Sforza et
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