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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres
Autoren: Paul C. Doherty
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coup d’aiguille et elle jeta la broderie sur la table en marmonnant un juron qu’aurait admiré plus d’un soldat du roi.
    Elle se leva et vint s’asseoir sur le lit, près de lui.
    — Donc la nouvelle est arrivée ? Cette religieuse qui est décédée, Dame… ?
    — Frances.
    — Vous vous attendiez à sa mort, n’est-ce pas ?
    Corbett opina.
    — Je savais que quelqu’un risquait de périr.
    — Vous blâmez-vous, Hugh ?
    — Oui et non ! répondit-il d’une voix égale. Un assassin rôde à Godstowe, et demain je l’affronterai.
    — Et la mission de Maltote ?
    — Il m’a apporté la preuve qui confirme mes soupçons, mais j’ignore comment agir. Il manque d’autres morceaux du puzzle.
    Un sourire moqueur aux lèvres, il poursuivit sur un ton faussement solennel :
    — Si vous n’avez pas achevé votre broderie, vous pourrez vous y remettre. Certaines affaires exigent ma présence…
    Elle lui enfonça profondément ses ongles dans le mollet.
    — J’en ai assez de la couture, chuchota-t-elle. Partirez-vous demain ?
    — Oui, au point du jour.
    Elle posa la tête sur son épaule.
    — Soyez prudent, souffla-t-elle. Je tremble pour vous.
    Corbett l’enlaça en s’efforçant de dissimuler le malaise qui l’étouffait.
     
     
    La petite troupe arriva à Godstowe tard le lendemain soir. Le portier ivre ne les laissa entrer qu’après l’altercation d’usage. Une fois franchie l’enceinte, Corbett ne s’éloigna pas du portail, mais ordonna à l’homme d’aller quérir Dame Amelia.
    La prieure semblait avoir vieilli de dix ans depuis la dernière visite de Corbett. Même à la piètre lueur tremblotante des torches, il vit que son visage blême avait pris un air hagard et il aperçut de larges cernes sous les yeux aux paupières rougies.
    — Messire !
    Elle emprisonna ses mains dans les siennes, glacées et moites.
    — Avez-vous fait bon voyage ?
    — Non, ce fut très pénible. J’ai froid, je suis trempé et, ajouta-t-il après un regard à ses bottes, maculé de boue des pieds à la tête ! La pluie a tout transformé en bourbier.
    — Venez !
    Corbett refusa d’un geste.
    — Je préférerais aller à l’hôtellerie. Moins il y aura de gens au courant de ma présence, mieux ce sera !
    La prieure le dévisagea un moment, comme perdue dans ses propres pensées, puis se ressaisit et donna rapidement son accord.
    Tandis que le portier pansait leurs chevaux, Dame Amelia, avec la démarche d’un fantôme, les conduisit à l’hôtellerie du prieuré. Dame Agatha les y attendait. L’inquiétude se lisait sur son beau visage pâle, mais c’est avec la plus grande joie qu’elle accueillit Corbett.
    — Hugh, murmura-t-elle en lui prenant le bras. Vous êtes revenu, enfin !
    Il lui effleura l’épaule en souriant.
    — Dame Agatha, je dois m’entretenir seul à seule avec Dame Amelia.
    Il jeta un coup d’oeil à ses deux compagnons, derrière lui.
    — Ranulf et Maltote ont une faim de loup. S’ils ne mangent pas immédiatement, je suis sûr qu’ils vont s’entredévorer !
    Il regarda la jeune soeur accompagner ses serviteurs avant de suivre la prieure dans une petite pièce qui n’était guère plus qu’une cellule, meublée d’une table, d’un lit de camp et d’un tabouret sur lequel Dame Amelia se laissa choir, l’air exténué. Corbett l’interrogea sur la mort de Dame Frances et l’écouta jusqu’au bout sans l’interrompre. Puis il s’approcha d’elle :
    — Dame Amelia ?
    Bras croisés, la prieure fixait le sol. Corbett s’accroupit près d’elle.
    — Dame Amelia, demain, au chapitre après l’office de prime, veuillez annoncer aux soeurs qu’avant vêpres je leur parlerai et leur expliquerai tout ce qui s’est passé.
    Il lui releva délicatement le menton pour la forcer à le regarder :
    — Il le faut absolument !
    — Bien sûr ! murmura-t-elle, ses traits autrefois orgueilleux à présent creusés par la fatigue et l’angoisse.
    Elle esquissa un pauvre sourire, puis se leva comme une somnambule et sortit de la pièce.
    Corbett s’allongea sur le lit et tomba bientôt, à son corps défendant, dans un profond sommeil sans rêves d’où le tirèrent, à l’aube, les cloches du prieuré. Transi de froid, bras et jambes endoloris par sa pénible chevauchée de la veille, il alla réveiller Maltote, puis Ranulf qui protesta en bougonnant. Ensuite il nettoya ses bottes, fit ses ablutions, mit un surcot propre et
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