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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra
Autoren: Claude Izner
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phénomènes. Il faisait un temps superbe, les photos seraient bonnes. Il était ravi de fixer sur ses plaques ces merveilleux charlatans dont les types disparaîtraient infailliblement quand les foires offriraient moins d'attraits aux yeux de la société moderne.
    Il œuvra sans relâche jusqu'à ce que la lumière décline. Il avait engrangé l'assemblage d'un manège de chevaux de bois et un numéro d'équilibristes exécuté par des enfants. Il regroupait son matériel quand son regard croisa celui d'une jeune femme immobile à quelques mètres de la tente-école. Il lui adressa un sourire assorti d'un signe de connivence. Elle bondit en arrière, lui tourna le dos et s'esquiva parmi les poutrelles et les échafaudages. Surpris d'une telle réaction, il haussa les épaules et se mit en quête d'un fiacre.
     
    Pauline Drapier parvint à se hisser sur l'impériale de l'omnibus. Ce fut toute une affaire de compter de la monnaie pour payer son ticket. Son cœur battait trop vite, sa vision était brouillée, elle tremblait. C'était lui, aucun doute, le photographe qu'elle avait vu place Daumesnil quelques jours auparavant. Il l'avait saluée, il la connaissait ! Elle se sentit oppressée, comme si elle portait des vêtements trop étroits.
    Lorsqu'elle descendit rue de Charenton, elle était glacée.
    « Il fait encore clair, se dit-elle, et c'est un lieu public. »
    Malgré tout elle pressa le pas.
    « Comment m'a-t-il retrouvée ? Les bons points ? » Elle s'obligea à marcher vers la boucherie.
    M. Fournel désossait un gigot, Mme Fournel trônait derrière la caisse.
    — Bonjour, m'sieu dame, une saucisse et une barquette de frites.
    — Bonjour, mademoiselle Pauline, il y a un bail qu'on ne vous a vue. Et vos pensionnaires ?
    — J'enseigne cours de Vincennes, sur le montage de la foire, c'est plus commode.
    — Alors vous ignorez la nouvelle ? Ah là là, ça fait un de ces baroufs dans le quartier ! Vous fréquentiez Mme Arbois ?
    — Oui, c'est une voisine.
    —Eh ben, figurez-vous qu'on l'a assassinée, c'est-y pas malheureux, une brave femme qu'avait jamais causé de tort ! C'est grâce à moi qu'on a déniché son corps. Je m'inquiétais de ne pas la voir depuis un bout de temps, d'habitude, c'est recta, chaque matin elle vient récolter les bas morceaux que je lui mets de côté, après, elle passe chez la grosse Louise qui lui refile des tartines rassies, elle amalgame les abats et le pain et elle en fait des pâtées pour sa flopée de chats. Avant-hier, après la fermeture, j'ai dit à la grosse Louise : « Je me fais du mouron pour Mme Arbois, elle est venue chez vous récemment ? – Non, qu'elle m'a dit, la dernière fois c'était il y a deux semaines, j'ai cinq sacs de croûtons qui l'attendent. – Qu'est-ce qu'on fait ? je lui ai dit. – On y va », qu'elle m'a répondu.
    « Nous voilà parties. On a frappé au carreau, pas un bruit. On a fait le tour par le jardin. Il n'y avait plus un mistigri, ça nous a étonnées. Mais le pire, c'est que la porte de la cuisine bâillait aux quatre vents, la pluie s'était infiltrée, et le désordre, j'vous raconte pas ! On est entrées, dame, on brûlait de savoir, hein ! Personne, comme si elle avait quitté précipitamment sa maison sans rien emporter. On s'est pensé que sa fille était venue la chercher. On s'en allait quand j'ai vu un chat pelé perché sur le puits. "Lui, c'est M. Duverzieux", que j'ai dit à la grosse Louise. Il nous regardait, le fripon, c'est drôle, on avait vraiment le sentiment qu'il voulait nous signaler une anomalie. On s'est approchées et là, on a constaté que le couvercle du puits était cloué. Un couvercle de puits cloué, je vous demande un peu ! Surtout que c'est la seule source d'eau potable ! "Louise, j'ai dit, faut quérir ton mitron, le Fernand, ce n'est pas naturel cette histoire." Le Fernand a rappliqué avec des tenailles. Ah, sainte mère de Dieu ! J'ai cru tomber dans les pommes. Ça sentait, ma pauvre, ça sentait ! Au fond du puits on a distingué un tas de chiffons dans la flotte. "Je vais jeter un œil", a dit le Fernand. Il a fixé une corde à la margelle qu'il a enjambée. Quand il est remonté, il ressemblait à une lavette, il chialait presque : "Il faut prévenir les cognes, elle est morte !" Les cognes sont venus, et puis le commissaire et un docteur, une vraie délégation. Le docteur a affirmé qu'elle avait été étranglée et ils ont interrogé tous les habitants du coin. Crime de rodeur,
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