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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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l’Alava et la Rioja sont mises au pillage. La répression s’exerce partout. Seul le roi Charles V accorde quelque intérêt aux affaires de la Castille. Les rois de Portugal et d’Aragon se disent neutres – mensongèrement. Le roi de Navarre promet à tous son alliance. Il paraît que le prince de Galles se désintéresse de son ancien allié. Sa maladie le rend d’une tristesse affreuse 289 . Seul le roi de France, dis-je, s’apitoie sur le sort de la mal heureuse Espagne 290 .
    Et brusquement, le regard accommodé sur Tristan toujours deux pas en retrait et le ton passant de la douceur à l’âpreté homilétique :
    – Je dois me rendre à Toulouse pour mettre la dernière main aux liesses que nous préparons pour la translation des reliques de saint Thomas d’Aquin. Les nouvelles qui me sont données sur les méfaits des routiers ne sont point rassurantes. Je ferai un détour par Villerouge et y séjournerai deux jours et deux nuits. Ensuite, je cheminerai vers Toulouse en passant par Carcassonne, Alet et Castelnaudary…
    Tristan acquiesçait, mécontent et inquiet.
    « Je vous vois venir, monseigneur », songeait-il.
    – Je sais que vous aviez l’intention de quitter Villerouge fin décembre. Je vous demande de surseoir à ce dessein… D’ailleurs, où iriez-vous ? Vous jeter parmi les loups à face d’homme ?… Je puis pourvoir à votre élévation. Vous prendre à mon service ici, à Narbonne, et contribuer ainsi à votre bien-être. Vous permettre de contracter un mariage avantageux.
    C’était vrai que Pierre de la Jugie était à la fois le bras de Dieu et le bras séculier. Leur étreinte devait être étouffante.
    –  Monseigneur, dit Tristan, le Très-Haut saura bien me dicter ma conduite.
    Il avait répondu avec un tel accent de dilection que le prélat s’inclina, confondu, semblait-il, par tant d’évangélique confiance. En fait, ils n’étaient sincères ni l’un ni l’autre. Leur flair leur faisait pressentir que le sort déciderait d’un événement qui, sans doute, contrarierait leurs volontés non point unies mais déjà disjointes et bientôt définitivement divergentes. Assurément, Pierre de la Jugie se fût ébaudi d’apprendre que le garant de sa sécurité s’était épris progressivement, sans passion étourdissante, d’une pucelle hors du commun mais du commun tout de même. Comme la plupart des prédicateurs de l’amour céleste, du plus humble à Sa Sainteté le Pape, il ne pouvait concevoir les amours terrestres que comme des alliances où les cœurs et les corps importaient moins que rassemblement des fortunes. Quant à lui, Tristan, et si déraisonnable que parût ce mariage, les objections qu’il pourrait provoquer le souciaient peu. Une fois la cérémonie accomplie, il irait droit à l’essentiel : l’expulsion de Castelreng des êtres qu’il détestait. Il n’était dévoré d’aucune impatience : il savait qu’il réintégrerait pacifiquement ou non son château.
    Pierre de la Jugie se balança entre ses accoudoirs.
    – Vous allez prendre du repos, dit-il au bayle et à Pons de Missègre. Et vous aussi, messires… Donnez à vos chevaux des soins attentifs. Je serais marri que l’un d’entre eux perde un fer, souffre d’un clou de rue (432) ou soit malade en chemin. Vous saurez quand nous partirons. Vous connaissez les chambres qui vous ont été assignées.’
    L’index de l’archevêque désigna Lebaudy et Lemosquet, indécis.
    – Vous, vous serez logés proches des écuries.
    Tous se retirèrent à reculons, comme piqués par la corne d’un ongle long et pointu, guère différent de l’avillon d’un aigle.
    *
    Il fallut attendre, entre les murs du palais-citadelle, une décision qui tardait. Sortir ? Narbonne, pour Tristan, n’offrait aucune tentation hormis celles des filles follieuses nombreuses autour de l’archevêché et décidées à éprouver la chasteté des ministres de Jésus que leur fonction éparpillait en ville. Certaines, lors de ses précédentes venues, lui avaient prodigué leurs incitations. En vain. Ce n’était pas qu’il eût craint de « monter » avec l’une d’elles ; c’était que quoi qu’il fît dans cette cité dont les gens et l’animation lui répugnaient, il s’était toujours senti épié. On le surveillait de loin, assidûment. Il semblait qu’il fût une proie, un objet de curiosité. Eût-il commis une action contraire à ses devoirs que quelque député en coule,
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