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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle
Autoren: Christian Bernadac
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volume et le poids étaient prohibitifs. Mais le génie allemand n’en était pas à cela près ! Enfin, l’autoclave est en place et, sous la haute surveillance du gars, on remplit d’eau la chemise entourant la marmite et la marmite elle-même. On allume. Sans être vu, je glisse un petit morceau de bois, à peine plus gros qu’une allumette, mais suffisant pour bloquer la soupape de sûreté. La pression monte tellement, et tellement vite, que le tout explose dans un nuage de vapeur. Le fond de l’autoclave, arrachant au passage le couvercle, vole en l’air avec une telle force qu’il fend, sous la violence du choc, le plafond en ciment armé servant de piste de roulement aux véhicules du premier étage du garage. Après cet incident, l’inventeur disparut. Le matériel est resté sur place, déchiqueté, jusqu’à la fin de Melk. Les soldats du front n’ont pas eu d’autoclave amélioré.
    — Les journées étaient longues et ennuyeuses à passer pour Willy dans les cuisines, aussi il s’était inventé une distraction sportive. À côté du fourneau, sous une grande baie vitrée, exposée plein sud, il y avait une table servant à découper les viandes à cuire pour les sous-officiers S.S. Elle était toujours un peu grasse et attirait beaucoup les mouches, surtout lorsque le soleil donnait sur la table. Willy, avec une marche et des précautions de Sioux, s’avançait et, d’un geste rapide, raclant la main, il attrapait un certain nombre de mouches qu’il projetait violemment sur la table pour les assommer. Puis il comptait ses victimes, notait son score. Pour attirer davantage de proies, il lui arrivait également de répandre du sucre en poudre. Je trouve une aiguille et une vieille plume que je plante sur le plateau de la table et que je casse au ras, laissant seulement dépasser les pointes métalliques de quelques dixièmes de millimètre. Le pauvre chasseur de mouches s’est, au premier essai, copieusement entaillé (sans gravité je le précise) la tranche de la main ; furieux, il a fait beaucoup de bruit, s’est promené plusieurs jours avec un pansement mais a définitivement cessé ses exploits cynégétiques.
    — Se trouvant trop resplendissant de santé et trop gros, Willy s’inquiétait sérieusement, craignant que sur la vue de sa forme resplendissante il soit désigné pour le front. Aussi se met-il à faire, en chambre, de la gymnastique pour essayer de maigrir. Il n’était pas très calé dans cette matière et ne savait trop comment faire. Je lui indique quelques exercices de gymnastique suédoise, qu’il exécutait à mon commandement. Sans résultats. Alors je lui explique que ces exercices n’étaient pas assez énergiques, ni assez fatigants pour arriver à perdre des kilos. Je lui indique « la marche en canard », comme particulièrement efficace (cette marche en canard faisait partie des punitions appliquées aux détenus ; on ne pouvait la subir longtemps et peu y résistaient). Il s’y met et très vite trouve l’exercice exténuant. Je lui explique que sa pratique, en rond autour d’une table, dans une petite chambre, ne pouvait donner les résultats envisagés, qu’il était logique et normal de pratiquer cette marche en ligne droite. Il est d’accord, j’ouvre la porte de la chambre et notre Willy s’en va, accroupi : se dandinant, les mains derrière la nuque et fait irruption dans la cuisine, moi le suivant en donnant la cadence à pleine voix. C’était d’un comique ! Mais infiniment moins drôle que la tête et l’air ahuri des camarades travaillant dans le coin et jouissant du spectacle.
    — Je n’ai raconté que ce que j’ai vu car mon champ d’observation était limité exclusivement aux cuisines et à notre block mitoyen. Nous y passions tout notre temps, très rarement nous avons eu l’occasion, ou le temps, d’aller plus loin, ne serait-ce qu’à l’intérieur du camp. Cela explique que ce pauvre Willy est devenu notre tête de Turc. Nous n’avions que lui sous la main. Il n’était pourtant pas méchant, c’était un brave type mais qui avait le tort de porter la tenue ornée d’une tête de mort, de l’aigle tenant entre ses griffes la croix gammée et, sur le revers du col, les deux lettres S. en caractères runiques. Ces simples détails suffisaient à le faire mettre au rang de ses brutes de collègues, sinon à le faire haïr comme les autres.
    — Nous étions cinq responsables de la cuisson des soupes et
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