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Le Maréchal Suchet

Titel: Le Maréchal Suchet
Autoren: Frédéric Hulot
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les principes de vertu républicains. Suchet assista à ce spectacle passablement dégradant et en tira les conséquences quant à son comportement futur. À la suite de la victoire, l’armée de siège fut dissoute (21 décembre) et le 4 e bataillon de l’Ardèche envoyé en garnison à Marseille.
    Pendant les opérations contre Toulon, le lieutenant-colonel Suchet avait fait la connaissance du commandant de l’artillerie, le capitaine Napoléon Buonaparte. Celui-ci passait pour un peu hurluberlu, utilisant une partie de son temps à dresser des plans que les généraux estimaient irréalisables. Sur le moment, cette prise de contact demeura sans suite.
    **
    À la fin de l’hiver 1793-1794, le 4 e bataillon de l’Ardèche était toujours en garnison à Marseille. Ses effectifs oscillaient autour de six cents hommes et il commençait à prendre une tournure militaire. La place l’employait à renforcer et seconder la police militaire et il était chargé de la protection et de la surveillance des bâtiments publics.
    À ce moment, éclata ce que l’on nomme « l’affaire Bédoin ». Depuis la Constitution civile du clergé, la Provence, et en particulier l’ancien Comtat Venaissin, propriété de la papauté, étaient traversés par de violents courants antirévolutionnaires. Cet état d’esprit se perpétuerait jusqu’au-delà de 1800.
    La petite commune de Bédoin dans le Vaucluse, au nord de Carpentras, comptant un peu plus de deux mille habitants, n’échappait pas à la règle. Dans la nuit du 1 er au 2 mai 1794, certains de ses habitants, qui ne furent jamais identifiés, se livrèrent à des dégradations tout à fait symboliques. Ils jetèrent à bas l’arbre de la Liberté que les autorités départementales leur avaient « offert » et lacérèrent puis jetèrent dans la boue des décrets de la Convention placardés devant la mairie. C’était somme toute assez peu de chose, mais le représentant du peuple envoyé par la Convention dans ce département, le nommé Maignet, considéra qu’il s’agissait d’« un crime horrible » qui méritait un sévère châtiment.
    Il taxa la commune d’une amende de dix mille livres payées principalement par les plus riches citoyens et qui serait versées en faisant appel à leur civisme. Mais les habitants firent la sourde oreille et ne donnèrent pas un centime. Maignet décida alors d’appliquer un châtiment exemplaire : un certain nombre de rebelles seraient passés par les armes, d’autres incarcérés, et tout le reste serait soumis à la contrainte d’un pointage décadaire pendant une période indéterminée. Pour matérialiser une telle répression, la gendarmerie n’était pas suffisante. Maignet fit donc appel à la troupe. Mais, comme bien l’on pense, quelle que fût leur ardeur patriotique, les officiers commandant les unités stationnées à Marseille ne se bousculèrent pas pour offrir leurs services. Ce fut alors que Louis-Gabriel Suchet écrivit à Maignet une lettre extraordinaire qui commençait par ces termes : « Égalité, baïonnette en avant, Liberté. »
    Après avoir porté aux nues, dans le style ampoulé de l’époque, la fermeté du représentant, il lui proposait tout simplement ses services pour se faire l’exécuteur de ses (basses) œuvres. Il terminait avec emphase : « Des larmes de joie ont coulé de nos yeux lorsque nous nous sommes dit, c’est un représentant du peuple français qui parle ; ô combien la nation ne doit-elle pas tout à la République. » Et il signait : « Ton ami Suchet, chef de bataillon, soldat ! »
    Pris au pied de la lettre, Suchet, avec environ un tiers de son bataillon et quelques gendarmes, gagna Bédoin. Le châtiment fut sanglant. On compta soixante-huit fusillés dont deux aristocrates, cinq prêtres, dix-huit bourgeois et huit femmes sans compter les personnes incarcérées. Assez lâchement, Maignet et ses acolytes, devant le tollé que soulevèrent ces exécutions, tentèrent d’en faire porter l’entière responsabilité au 4 e bataillon de l’Ardèche, et surtout à son chef. Celui-ci se défendit comme un beau diable et, dans une adresse à ses concitoyens, souligna qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres du pouvoir civil, passant évidemment sous silence qu’il s’était porté volontaire.
    Quelle mouche avait piqué le prudent Suchet et l’avait poussé à une telle démarche si peu dans sa nature ? Pour tenter de comprendre, il ne
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