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Le Maitre Philippe

Le Maitre Philippe

Titel: Le Maitre Philippe
Autoren: Jean Bricaud
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il soignait sa clientèle à
distance. Chaque jour, son courrier lui apportait les ardentes suppliques de
malades princiers, de dignitaires en péril. Il était consulté sur toutes sortes
de sujets. J’ai eu en mains, et je possède encore, des documents fort curieux. Tantôt
c’était de Tsarskoïe-Selo, le colonel K…, de la Maison Impériale, qui lui
demandait comment rompre une liaison d’un de ses officiers dont la conduite faisait
le désespoir de sa mère, ou au moyen de quelles prières enrayer une épidémie de
diphtérie qui décimait la population d’une de ses terres.
     
    C’était un autre officier qui, de Petrograd, implorait des
prières pour son gérant d’affaires tuberculeux, pour la femme d’un de ses amis
opérée et dont les chirurgiens désespéraient, pour son chef d’état-major
atteint d’une dangereuse bronchite.
     
    De Peterhof, le grand-duc Nicolas et la grande-duchesse de
Leuchtenberg demandaient son intervention spirituelle dans les cas graves les
intéressant ou intéressant un des membres de leur famille. On le tenait rigoureusement
au courant de l’état des malades, dont on lui envoyait le signalement et une
mèche de cheveux. Le Maître répondait par courrier, donnant des avis, des
conseils médicaux parfois en opposition avec ceux donnés par les médecins. En
diverses circonstances, il ordonnait des prières ; tantôt il recommandait
d’avoir recours à un miroir magique qu’il expédiait.
     
    En retour, grands-ducs, duchesses, princes, officiers, lui
envoyaient des cadeaux ; c’est ainsi que le grand duc Nicolas lui envoya
par un laquais un magnifique lévrier.
     
    Cependant, des lettres, et notamment une du Tsar, lui arrivèrent
décachetées ; et les télégrammes chiffrés qu’il recevait par voie
indirecte et qui donnaient fort à faire aux censeurs, ne gardaient pas toujours
leur secret.
     
    Le Ministère de l’Intérieur faisait, en effet, surveiller cet
homme qui correspondait directement avec des Souverains.
     
    La Préfecture du Rhône faisait prendre copie des lettres qu’il
recevait et faisait surveiller les abords de sa maison ; il ne pouvait se
déplacer sans flairer dans le compartiment voisin la présence d’un policier. La
tenancière d’un bureau de tabac qui se trouvait juste en face de sa maison
était chargée de renseigner la police sur les visiteurs, et elle se déclarait «  émerveillée
du beau monde qu’elle voyait défiler » .
     
    De son côté, le policier russe Ratchkowski le poursuivant
toujours de sa haine, le Maître avait été contraint d’avoir recours, pour s’en
débarrasser, à son Altesse le grand-duc Nicolas. La disgrâce du policier avait promptement
suivi.
     
    *
    *    *
     
    Dans le courant de l’année 1904, le Maître eut la douleur de
perdre sa fille, âgée de 26 ans, et mariée au Dr L…, érudit kabbaliste. Il en
conçut un tel chagrin, qu’il résolut peu après de cesser ses consultations. Il
chargea son assistant, M. Chapas, de continuer les séances.
     
    Après avoir vendu une partie de sa fortune mobilière, il se
retira à l’Arbresle, petite ville dans les environs de Lyon.
     
    Lorsqu’on arrivait à la gare de l’Arbresle et qu’on demandait où
habitait M. Philippe, les habitants montrant au loin, tout en haut d’une
colline dominant la ville, une grande maison dont la terrasse en maçonnerie
avait un air redoutable d’ouvrage fortifié, disaient : «  C’est là !
M. Philippe est souvent absent. II vit d’ailleurs dans un isolement
farouche et l’on ne pénètre point aisément dans sa retraite. »
     
    Il vivait, en effet, très retiré, ne recevant que quelques amis
et disciples.
    Il se plaignait d’ailleurs d’être toujours persécuté. Effectivement,
au début de mars 1905, une campagne prochaine du Matin fut annoncée
contre lui. Un rédacteur de ce journal, venu à Lyon dans ce but, avait même fait
courir le bruit qu’il allait être arrêté comme dangereux au point de vue
national.
     
    Le motif allégué était que le Maître correspondait avec l’Empereur
d’Allemagne. Des enveloppes cachetées aux armes impériales et contenant des
lettres d’audience signées : Wilhelm, Kaiser , avaient été
interceptées. On savait, d’autre part, qu’il avait été reçu à Berlin par Guillaume II.
Une campagne de presse se préparait qui allait crier au scandale et exploiter
savamment le fait.
     
    Le Maître savait que tout cela était le résultat
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