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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres
Autoren: C.L. Grace
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Thomasina.
    Kathryn se mordilla la lèvre pour ajouter :
    — Enfin, tu sais ce que je veux dire.
    — Oui.
    La servante passa un bras autour de ses épaules.
    « Vous êtes mariée, oui, songea la nourrice, à ce bâtard cruel et effronté d'Alexander Wyville qui vous battait et vous maltraitait, avant de partir en se pavanant rejoindre les rebelles. »
    —
    Depuis combien de temps s'en est-il allé?
    demanda Kathryn comme si elle lisait les pensées de Thomasina.
    — Assez longtemps.
    Kathryn se redressa, et Thomasina remarqua comme son visage s'était creusé.
    — Crois-tu qu'il soit mort?
    —
    Voilà plus d'un an qu'il est parti, petite. Il a changé de nom, mais il est allé vers son destin.
    Elle pinça la joue de Kathryn comme on fait avec une enfant.
    —
    Oubliez-le, reprit-elle. S'il n'a pas reparu après deux ans et un jour, je suis sûre que, si vous en faites la demande à la cour de l'archidiacre, on vous autorisera à vous remarier.

    —
    Allons, Thomasina, qui diable pourrais-je choisir? observa Kathryn avec modestie.
    —
    Eh bien, il y a Roger Chaddedon, rétorqua la servante, caustique.
    Elle faisait référence à un médecin veuf, bien fait de sa personne et fortuné, qui vivait à Queningate.
    Comme Kathryn fronçait les sourcils, elle ajouta, minaudant :
    — Bien sûr, il y a toujours votre Irlandais.
    Kathryn grimaça un sourire.
    — Il est fou de vous.
    — Il est fou de ses chevaux aussi !
    —
    Il est beau, poursuivit Thomasina, taquine.
    Grand, avec des jambes puissantes. Les hommes qui ont des jambes robustes sont très bons au...
    —
    Assez ! jeta Kathryn en se mettant debout. Tu l'as dit, le printemps est là. Il y a de la besogne à faire.
    Kathryn descendit au rez-de-chaussée et déjeuna avec un ragoût de lapin aux oignons, des petits pains enduits de beurre, et un pichet de bière coupée d'eau. Peu après, son premier patient arrivait. C'était Wartlebury, l'apprenti du meunier, qui se plaignait d'une verrue au visage. Kathryn lui donna une infusion d'euphorbe mauve, et lui dit aussi que si l'amour de sa vie ne voulait pas de lui tel qu'il était, avec sa verrue, c'est que la donzelle ne méritait pas son attention. Wartlebury partit presque en gambadant. Vinrent ensuite Edith et Eadwig, les jumeaux du tanneur. Ils se ressemblaient comme deux petits pois sortis de la même gousse, et parlaient toujours en même temps. Ils se plaignirent haut et fort d'avoir mal au ventre et les boyaux relâchés.
    — En d'autres termes, vous avez la colique, fit observer Kathryn sans détour.
    Elle leur remit un petit pot de décoction de bruyère, disant :
    — Buvez de l'eau, rien que de l'eau pendant les prochaines vingt-quatre heures. Mélangez du miel avec deux cuillerées en corne de ceci, et laissez le mélange se dissoudre dans l'eau.
    — Pendant combien de temps? demandèrent en chœur Edith et Eadwig.
    — Le temps de réciter dix Ave, répliqua Kathryn.
    Buvez-en trois ou quatre fois par jour. D'ici demain après-midi, vous vous sentirez beaucoup mieux.
    — Mais nous ne devons pas manger ! se lamentèrent les jumeaux.
    Kathryn s'accroupit pour poser une main sur l'épaule de chacun.
    — Non, il faut laisser s'évacuer l'humeur mauvaise. Promettez-le-moi, et revenez demain. Si vous allez mieux, Thomasina vous donnera des massepains tout frais, couverts de sucre. Oh, à propos...
    Kathryn se redressa pour effleurer le nez des deux enfants.
    — Vous n'auriez pas la diarrhée si vous n'aviez pas mangé tant de baies. Je vous l'ai déjà dit.
    Les gamins la regardèrent, penauds.
    — A présent, pensez aux massepains de demain.

    Les jumeaux filèrent et Kathryn alla dans son cabinet faire ses comptes. Colum avait dit que peut-être, au cours de l'été, le roi lèverait un nouvel impôt. Elle mordilla sa plume. Sa maisonnée comportait maintenant quatre personnes : elle-même, Thomasina, Agnes, la bonne, et Wuf, un enfant trouvé qu'elle avait pris chez elle l'été précédent.
    — Des petits abandonnés, murmura-t-elle.
    Agnes et Wuf étaient tous deux orphelins. Et bien sûr, il y avait aussi Colum Murtagh, commissaire du roi à Cantorbéry et gardien des écuries royales de Kingsmead, au nord de la ville. Kathryn posa sa plume, écoutant d'une oreille Agnes et Thomasina qui bavardaient dans la cuisine. Elles pilaient des simples en attendant que les pains fraîchement sortis du four refroidissent. Elles les placeraient ensuite dans des paniers d'osier qu'elles hisseraient
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