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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres
Autoren: C.L. Grace
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s'étendait au-delà de la Manche et de la mer d'Irlande, avait investi dans la banque, et fournissait des prêts au nouveau roi de Westminster. Il aurait dû être de fière humeur, en ce matin de la Saint-Florian, au lieu de quoi Peter Talbot était inquiet. Il se frotta le visage de ses mains, et abaissa les yeux sur le bout de ses bottes de cuir bien cirées, importées spécialement de Cordoue. La phrase de l'Évangile lui revint en mémoire : « Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme ? » Était-il en train de perdre son âme? Pourquoi éprouvait-il ce malaise, cette prémonition de danger, de sombres épouvantes tapies dans l'ombre ? Il était un grand bourgeois de la ville ; le roi le connaissait personnellement. Pourtant, depuis cette histoire avec la sorcière, la vie de Talbot avait changé. A cause d'un incident aussi insignifiant! Le marchand était propriétaire de maisonnettes dans la paroisse d'Hackington, de l'autre côté de la Stour. Une source d'argent bien pratique. Une de ses locataires n'ayant pas payé son loyer, la femme de Talbot, qui était jeune, et impétueuse aussi, et qui avait l'œil sur les profits, avait renvoyé l'occupante pour louer le logement à quelqu'un d'autre.
    — Elle n'aurait pas dû le faire, se murmura Talbot à lui-même. Isabella aurait dû me consulter.
    Le marchand avait eu vent de l'affaire pour la première fois le dimanche précédent, lorsqu'ils étaient allés à la messe à Saint-Alphège. Talbot se tenait sous le porche de l'église quand une vieillarde au visage sinistre, martelant les pavés avec sa canne, s'était glissée jusqu'à lui telle une araignée, pour s'arrêter à sa hauteur, sa main brandie.
    — Maudit sois-tu, avait-elle glapi, toi, gros seigneur de la terre, tu voles peut-être aussi haut que l'aigle, mais tu tomberas aussi bas que l'enfer!
    Talbot l'avait regardée avec stupéfaction, puis son frère Robert lui avait dit que c'était Mathilda Sempler, une vieille qui se prétendait sorcière, et l'ancienne locataire d'une de ses petites maisons.
    Éclatant de rire, Robert lui avait donné une tape sur l'épaule.
    — Ne t'inquiète pas, avait-il trompeté. N'aie pas peur d'une vieille garce folle, une taupe puante.
    Isabella, dont le visage s'était empourpré, avait les yeux scintillants de colère, et elle retroussa les lèvres avec mépris. Derrière Robert, elle hocha la tête.
    — Tu ne peux pas la remettre dans les lieux, avait- elle dit, crachant presque les mots. Elle ne payait pas son loyer. La maison a été relouée.

    Elle avait rejeté la tête en arrière, fusillant son mari du regard.
    — Tu vas me soutenir, non ?
    Talbot avait opiné à regret. La vieille taupe s'était glissée dehors, et il avait oublié l'incident jusqu'à ce qu'il trouve, fixée sur sa porte d'entrée, la malédiction inscrite sur une peau de baudet. Le marchand tâta son portefeuille et en sortit le morceau de cuir.
    « Puisses-tu te consumer comme charbon dans l'âtre
    », articula-t-il sans bruit.
    Puisses-tu rétrécir comme crotte sur le mur.
    Puisses-tu sécher comme l'eau au fond d'un seau.
    Puisses-tu rapetisser pour n'être pas plus gros qu'un os de puce.
    Puisses-tu tomber
    Aussi bas que moi.
    — J'ignorais que la vieille sorcière savait écrire, marmonna Talbot.
    Il replaça la malédiction dans son portefeuille et bondit sur ses pieds comme sa femme pénétrait dans la chambre. Un seul regard à son joli visage revêche et Talbot gémit. Leur mariage avait été l'alliance de mai et de décembre. Isabella s'était révélée si farouche et pourtant si exquise au lit!
    Maintenant, elle était acariâtre, fermement déterminée à gagner de la puissance et de l'influence dans cette maison de marchand. La main sur la hanche, elle se tourna et Talbot admira sa taille fine, le renflement de ses seins généreux sous la robe ajustée en samit bleu.

    — Époux, tu devrais descendre aux comptoirs.
    Elle gagna la fenêtre et regarda les apprentis qui s'activaient à sortir les marchandises pour une nouvelle journée de négoce. Tout à coup, elle bondit.
    — Il y a un voleur! Oh, mon Dieu, j'en vois deux, puis trois ! Peter, viens vite !
    Isabella se rua hors de la pièce. Talbot saisit son manteau et la suivit. Elle était à présent au pied du long escalier très raide et lui faisait signe de venir.
    Talbot avança, mais il trébucha : l'espace de quelques secondes, son corps tout entier se souleva dans l'air.
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