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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares
Autoren: Alessandro Barbero
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le gothique, et nous savons qu’elle appartenait
au groupe de langues indo-européennes que les spécialistes définissent comme
les langues germaniques. Les Romains, eux, ne le savaient pas et ne pouvaient
pas le savoir ; en règle générale, ils s’intéressaient très peu aux
langues des barbares, et de toute façon ils n’avaient pas les connaissances de
linguistique comparée qui sont nécessaires pour parvenir à certaines
conclusions.
    Physiquement, bien sûr, les Goths ressemblaient aux Germains :
ils étaient de grande taille et avaient des cheveux blonds ou roux. C’étaient
des caractéristiques négatives aux yeux des Romains : il ne faut pas
oublier que, dans le monde romain, la race dominante, qui était persuadée de
posséder une civilisation supérieure et regardait toutes les autres avec mépris,
était composée d’individus méditerranéens, petits et bruns, aux yeux desquels
le fait d’être grand et blond était déjà un signe d’infériorité, de pauvreté, de
barbarie. Mais il ne serait venu à l’esprit de personne que les Goths étaient
des Germains : pour les auteurs romains, les Germains étaient simplement
les tribus qui habitaient les forêts et les marécages de la Germanie. Les Goths,
en revanche, vivaient dans les plaines orientales, au-delà de la frontière danubienne,
dans les steppes qui se perdaient vers le Don, et ressemblaient aux autres
barbares des steppes : des gens qui étaient de très bons cavaliers, pratiquant
non seulement l’agriculture, mais aussi l’élevage ; des gens sans racines,
qui se déplaçaient facilement.
    Les Romains n’avaient pas forcément tort de préférer cette
classification, qui était anthropologique sans le savoir. Car si nous donnons
trop d’importance à l’aspect physique et à la langue, nous risquons de faire
fausse route. Les peuples des steppes ne constituaient pas des ethnies
compactes, mais se répartissaient en une multitude de tribus qui se
regroupaient en fonction des circonstances, quand apparaissait en leur sein un
chef charismatique, victorieux dans la guerre. Lorsque nous parlons, par exemple,
des Huns – pour mentionner un autre peuple qui jouera un rôle primordial dans
notre histoire –, il doit être bien clair que seul leur noyau originaire était
composé d’éleveurs de bétail aux traits mongoliques, petits avec des yeux
bridés, parlant une langue turque. Au comble de leur puissance, quelques
générations après Andrinople, ils avaient rassemblé des hommes de toute la
steppe, et même une partie des Goths étaient devenus des Huns : les deux
peuples s’étaient mélangés à un point tel que les chefs huns parlaient
couramment la langue des Goths, et d’ailleurs Attila est un nom gothique.
    Bref, l’identité ethnique était négociée et reconstruite en
permanence, au gré des mouvements des groupes ; et l’approche
classificatoire adoptée par les auteurs romains ne doit pas nous faire penser
que les groupes en question étaient définis une fois pour toutes. À l’époque d’Andrinople,
ces clans qui se désignaient eux-mêmes comme les « Goths » étaient
répartis en divers sous-ensembles, mais ce n’était pas encore ceux dont il est
question dans nos manuels scolaires – Wisigoths et Ostrogoths. Ils portaient
des noms tribaux plus anciens ; les auteurs romains les transcrivent
quelquefois, et, prononcés en latin depuis la langue barbare, ils devaient
paraître très bizarres, vraiment « ostrogoths », comme nous dirions
aujourd’hui : il y avait les Tervinges, les Greuthunges, et on ne sait
combien d’autres encore. Mais les Romains ne se souciaient vraiment pas d’en
savoir davantage, puisque tous ces gens étaient des barbares, de misérables
analphabètes crevant de faim dans leur pays sous-développé.

2.
    Un Romain ignorant, en somme, aurait liquidé les Goths en
les qualifiant simplement de barbares, comme si c’était une espèce entièrement
étrangère à son monde. Quand il en rencontrait un – au marché, par exemple –, il
s’agissait d’un esclave. Il y avait, comme on sait, des esclaves de toutes
races, y compris les plus exotiques ; mais les esclaves intelligents se
romanisaient vite, cherchaient à faire oublier leur identité ethnique, tandis
que les autres n’avaient pas d’avenir et achevaient leur brève existence dans
les plantations ou dans les mines. Pourtant, considérer les barbares comme
radicalement étrangers au monde romain
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