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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares
Autoren: Alessandro Barbero
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avait été sauvée par une série d’empereurs
particulièrement énergiques, tous des militaires de carrière portés au pouvoir
par l’armée : des gens tels qu’Aurélien (celui qui fit entourer Rome du
mur qui porte encore son nom), Dioclétien (l’auteur de la dernière grande
persécution contre les chrétiens), et bien sûr Constantin. C’étaient des hommes
d’action, aux idées claires et aux méthodes brutales, et grâce à ces méthodes
ils avaient remis l’empire sur pied, sans trop se préoccuper du prix que la
population avait dû payer. Ils avaient réintroduit la conscription obligatoire,
doublé le montant des impôts, renforcé la bureaucratie et la police secrète ;
comme beaucoup de gens étaient très mécontents, ils avaient promulgué des lois
impitoyables contre la désertion, la fraude fiscale, la lèse-majesté ; ils
avaient transformé l’empereur en une figure sacrée et intouchable, sur laquelle
les gens ordinaires n’avaient pas le droit de lever les yeux ; ils avaient
fulminé des punitions terribles contre les dissidents. Sans même qu’il fût
besoin de conspirer contre l’empereur, le simple fait d’établir son horoscope
afin de calculer la date de sa mort suffisait pour être condamné au bûcher.
    À l’aune de nos critères actuels, l’empire remis sur pied
par ces généraux, l’empire du IV e  siècle, présente des aspects
totalitaires qui nous déplaisent profondément, et nous ne pouvons nous empêcher
de penser que nous n’aurions voulu à aucun prix vivre sous ces tyrans. Et
pourtant la recette était efficace : l’empire s’était rétabli, l’économie
fonctionnait, l’argent circulait, il y avait des cités grandes et prospères (plus
dans l’Orient grec que dans l’Occident latin, à vrai dire) ; tout bien
pesé, c’était sans doute une société pleine de contradictions, mais ce n’était
pas un empire en déclin.

3.
    En l’an 378, Rome n’était pas non plus en déclin
culturel et moral. Elle était en transformation, incontestablement. Car le IV e  siècle
est l’époque où l’empire devient chrétien. Constantin met fin aux persécutions
en 313, avec l’édit de Milan ; il déclare que, pour garantir la prospérité
de l’empire, il faut que toutes les religions soient tolérées, et que chacun
puisse prier Dieu à sa façon. Excellentes paroles ; mais ensuite
Constantin fait clairement comprendre qu’à son avis la religion chrétienne est
la plus apte à garantir le bonheur de ses sujets, et que l’Église chrétienne, en
cas de besoin, peut compter sur le soutien concret du gouvernement. Après
Constantin, tous les empereurs seront chrétiens, sauf un – Julien, que les
chrétiens appelleront l’Apostat, c’est-à-dire le renégat. La culture
traditionnelle n’a pas disparu pour autant : les cités de l’empire sont
encore pleines de rhéteurs, de philosophes, de poètes, païens pour la plupart, qui
maintiennent vivante la grande tradition de l’art oratoire, de la philosophie
et de la poésie classique, en latin et en grec. Toutefois, à côté de la culture
païenne, une autre est en train de s’imposer, une culture chrétienne, qui ne
supprime pas les racines antiques mais leur imprime une nouvelle direction et
leur insuffle un nouveau dynamisme.
    L’époque dont nous parlons est celle où ont vécu
quelques-uns des plus grands Pères de l’Église, ces intellectuels dont l’effort
collectif a apporté au christianisme ses bases philosophiques – et le christianisme,
comme on sait, est une religion compliquée sur le plan théorique. Il suffit de
compter : en 378, l’année de la bataille d’Andrinople, saint Ambroise, qui
n’avait pas quarante ans, était déjà évêque de Milan ; saint Augustin
était un étudiant prometteur dans une grande cité africaine, et son aventure
spirituelle ne faisait que commencer (il était alors lié à la secte des manichéens
plus qu’à l’Église catholique) ; saint Jérôme, âgé d’une trentaine d’années,
venait de conclure son expérience, excitante mais décevante, d’ermite dans le
désert mésopotamien, et s’apprêtait à rentrer en Italie pour se consacrer à la
véritable grande entreprise de sa vie, la traduction de la Bible en latin, celle
que nous connaissons sous le nom de Vulgate. Et puis, en Gaule, il y
avait saint Martin, qui avait coupé son manteau en deux pour le donner aux
pauvres ; c’était le plus vieux de tous (il avait
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