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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie
Autoren: Marie Bourassa
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l’extérieur qui, eux, ne pouvaient écouler leur marchandise qu’aux jours de marché. Une ère de prospérité s’était annoncée lorsqu’il avait été choisi comme l’un des premiers fournisseurs de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés dont le four banal, situé à l’endroit aujourd’hui occupé par la rue du Four, s’était soumis à la nouvelle loi. Car les bénédictins, même s’ils étaient auto-suffisants, avaient au fil des siècles élaboré un modus operandi pour régir un certain type de relations symbiotiques avec leur voisinage très populeux, de façon à ce qu’il ne vînt pas troubler leur vie contemplative : ils avaient consenti à confier certaines tâches serviles aux mains de laïques choisis.
    Ainsi, même le lieu où son échoppe était installée lui avait été favorable. En effet, une majorité de boulangers se concentraient encore comme anciennement rue de la Juiverie, sur l’île de la Cité, à proximité de la Halle aux blés.
    Une légende circulait dans la guilde à l’effet que le grand-père du propriétaire actuel aurait reçu des éloges de la part de Philippe le Bel {3} lui-même, alors que ce dernier se baladait incognito dans les rues de sa ville, comme il aimait à le faire parfois, et qu’il s’était arrêté à son échoppe. Ce monarque imposant, déguisé en simple citoyen, avait mordu dans un pain mouton*. Il en avait été à ce point ravi qu’il avait tôt fait d’en réclamer sur sa table.
    Le propriétaire actuel de la boutique se prénommait Firmin. Rien n’avait présagé qu’il prît un jour la relève. Il était le quatrième fils d’une famille de treize enfants. De ses huit frères, cinq étaient décédés en bas âge. Ses deux aînés avaient trouvé la mort dans une stupide querelle entre étudiants. Quant à ses sœurs, trois d’entre elles avaient coupé tout lien filial en allant s’établir au loin. La quatrième était morte en couches. De cette cellule familiale décimée, il n’était donc resté que les parents, Firmin et son jeune frère, un intellectuel excentrique qui avait été écarté d’emblée de la succession, car il était considéré par ses parents comme étant inapte à prendre la relève du commerce le moment venu. On le disait d’ailleurs responsable de la querelle qui avait mal tourné, dont il s’était lui-même sorti indemne grâce à quelque mauvaise plaisanterie de la Providence. On avait donc, en contrepartie, demandé à la Providence de se charger de lui. Un monastère l’avait accueilli en même temps qu’une donation destinée à subvenir à ses modestes besoins et à faire taire les mauvaises langues. L’honneur de la famille était sauf. Après tout, cette façon d’agir était fréquente chez les bourgeois assez aisés qui avaient un fils plus jeune dont ils ne savaient que faire.
    Malgré une trop forte tendance à la paresse et à la débauche, Firmin était parvenu à faire assez bonne figure au cours de ses dix longues années d’apprentissage. Son succès relatif avait sans doute contribué à motiver le choix de son père malade. Par la suite, en tant qu’artisan, le jeune homme avait joui d’une plus grande liberté et il en avait largement profité. Mais il avait toujours su agir dans les limites de ses droits et de ses obligations. Ils étaient mieux définis, mieux protégés qu’avant et il avait pris soin de ne jamais dépasser la limite du raisonnable. Il avait donc continué pendant quelque temps encore à travailler pour son père en prenant son mal en patience. La corporation exigeait que le candidat à la maîtrise fût capable de présenter un chef-d’œuvre*, jugé par douze jurés désignés par le Grand Panetier du roi qui résidait en son hôtel de la rue du Four-Saint-Honoré {4} . S’il avait échoué à cet examen, Firmin eût été contraint de continuer à travailler sa vie durant sous les ordres de son père ou d’un autre maître. Or, à cet âge, il ne souhaitait qu’une chose : s’affranchir au plus vite et chercher à se faire engager au Louvre. Philippe le Bel n’était plus, mais il y avait un autre roi et les richesses qui allaient avec.
    Isolé dans une pièce que l’on avait équipée de tout ce qu’il lui fallait pour la confection de son chef-d’œuvre, Firmin avait été étroitement surveillé par les jurés qui étaient venus régulièrement lui rendre visite afin de s’assurer qu’il n’avait reçu aucune aide clandestine. Le
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