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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’écraser cette vermine… Avez-vous perdu des compères ?
    — Ybert, dit un jeune. Il est mort comme Griveau.
    — Gerri, dit un autre. Lui, il a pris le havet dans la tête et basculé dans la cour.
    — C’est tout ?
    Les hommes se consultèrent ; celui qui avait parlé le premier répondit : « Oui, Messire » et se remit à pousser des rochers dans l’ouverture d’un mâchicoulis.
    — Il y aura des morts, dit Blanquefort. En quel lieu allons-nous les mettre ?… Nous avons pensé à tout sauf à cela.
    — Je ne vois guère d’autre endroit que la chapelle. Les dalles n’en sont pas encore jointoyées… On fera creuser le sol. C’est là qu’il est le plus meuble…
    — Cette décision me paraît la meilleure… Éloignons-nous… Nos gars n’ont rien d’autre à faire qu’à écraser cette racaille.
    Suivant les deux hommes, Ogier parcourut le chemin de ronde. Au passage, son oncle questionnait ses soudoyers :
    — Rien, Norbert ?
    — Rien… Nous veillons.
    — Rien, Rigaud ?
    — Quelques sagettes de temps en temps.
    — C’est bien, vous n’avez pas bougé pour secourir les autres, dit Blanquefort.
    Ils étaient une centaine à garnir les cinq murailles devant lesquelles aucun péril ne s’était manifesté ; une centaine à être demeurés sur place, ainsi qu’ils en avaient reçu commandement. Quarante hommes de réserve avaient été choisis par Blanquefort afin de boucher les brèches. Aspe, Calmels, Raymond et Benoît – les quatre sergents de Gratot – assuraient la discipline.
    — Je ne comprends pas Canole, dit Ogier. En nous faisant assaillir de partout, il nous aurait mis en difficulté ! Pas vrai, Hugues ?
    — Il nous croit plus nombreux que nous ne sommes. Tout est là.
    — Ce n’est pas ce soir qu’il nous aura, dit Guillaume. Moi, à ta place, j’irais me coucher pour être dispos demain.
    — Mon oncle ! protesta Ogier. Je sais bien que là-bas ils n’ont pas l’avantage, or, ils peuvent nous attaquer omniement [20]  !
    Guillaume n’eut pas à lui fournir de réponse, car au loin Girard hurlait :
    — Ils cessent !… Ils cessent et ils retraitent !… Victoire ! Victoire !
    Tous les guerriers à l’abri des merlons remuèrent soudain comme au sortir d’un sortilège. Des rires s’élevèrent, d’autant plus gros pour certains que leur terreur avait été profonde.
    — Alors ? demanda Guillaume, moqueur. Es-tu décidé à prendre du repos ? Dors sans te dévêtir.
    Le garçon mit à profit cette accalmie pour se rendre à la forge. Il fut surpris d’y trouver Tancrède et Claresme. De loin, elles assistaient à la besogne des Tolédans.
    — Il y a eu des cris et un grand remuement d’hommes… S’est-on bien battu ? demanda Pedro del Valle en cessant de marteler ce qui pouvait être une épaulière.
    — Ils ont amené une baliste… Bientôt, il tombera des rochers dans la cour.
    Claresme poussa un petit cri d’effroi ; Tancrède demeura muette, immobile.
    — Comment va votre main ?
    — Mieux, messire del Valle. Dans deux ou trois jours, je ne l’envelopperai plus.
    Tout près, Blasco et Martinez entretenaient le foyer. Ils semblaient dépités. Del Valle expliqua :
    — Ils ont voulu courir aider vos compagnons. Je leur ai dit que rien ne pressait… Mais nous nous joindrons à vous le moment venu.
    — Je n’en ai jamais douté… Ni mon oncle.
    Tancrède s’approcha, toujours vêtue de sa robe rouge :
    — Il faudrait aller quérir des secours… À si peu, vous ne pourrez tenir devant tous ces malfaisants.
    — Ton père agira pour le mieux. Il y pense… Sais-tu qu’il a été navré à l’épaule ?
    — Oui.
    Cette blessure ne l’avait nullement inquiétée. Elle ajouta :
    — Il aurait déjà dû choisir un messager.
    Ogier quitta la forge après un au revoir. Tancrède l’agaçait. De quoi se mêlait-elle ? Elle le rattrapa dans la cour :
    — As-tu peur de l’avenir ?
    — Non, cousine.
    Au loin, deux ombres passèrent : Renaud et Haguenier. Qu’avaient-ils fait pendant l’attaque ?
    — C’est quand ils battent leurs tambours…
    Tancrède frottait ses bras, ses épaules ; le froid de la peur persistait en elle. Ogier, méfiant, lui refusa tout réconfort.
    Le ciel devenait gris de plomb ; lourd, en contrebas, de centaines de méditations avides et de préparatifs sanglants. Cependant, après les deux tornades brèves qu’il venait de subir sans dommage,

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