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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut
Autoren: Juliette Benzoni
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fillette qui dansait tout à l’heure et qui maintenant, l’œil vague et un os de jambon à la main, se cachait sous la table puis revint à son étrange alliée qui le regardait comme s’il avait été l’Archange saint Michel en personne.
    — Emmène cette petite avec toi, Corentine et rentre chez toi. Ce que je vais faire maintenant n’est pas un spectacle pour des femmes.
    La fille à l’œil bleu éclata de rire.
    — Parce que ce que tu as fait jusqu’à présent, c’en était un ? Tu vois, chevalier, mon défunt père m’a appris une chose : un bon soldat ne s’en va pas se coucher en plein milieu de la bataille.
    — Il avait raison et tu es un bon petit soldat. Mais la bataille est finie. C’est l’heure de la justice et je ne veux pas faire de toi un valet de bourreau.
    Elle se planta devant lui, les mains aux hanches, avec un sourire de toute sa grande bouche rouge.
    — Je crois que pour toi, je ferais bien pire, chevalier. Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça ! Je reste ! Je veux voir jusqu’au bout. Quant à celle-là…
    Elle alla tirer la fillette de sous la table et l’obligea à se mettre debout. Mais elle la lâcha aussitôt tandis que sa capture s’affalait de nouveau à terre avec un hoquet.
    — Pouah ! s’écria Corentine. Elle est saoule comme une grive ! Pendant qu’on ne la regardait pas, elle a dû vider tous les flacons. Il n’y a qu’à la coucher sur un banc, elle tombe de sommeil.
    Haussant les épaules, Gilles s’approcha de Tudal toujours couché près de la cheminée. Il ne disait plus rien maintenant mais son visage gris, la sueur qui coulait en grosses rigoles le long de ses joues disaient assez la peur qui le possédait. La mort de ses hommes avait fait tomber toute sa jactance et il regardait à présent avec une haine mêlée d’angoisse la haute silhouette sombre dressée en face de lui.
    — Si tu sais une prière, Tudal de Saint-Mélaine, il est temps de la dire, fit Gilles sombrement.
    — Tu ne vas tout de même pas me tuer ?… Pas comme ça, pas sans me laisser la possibilité de me défendre ! s’affola l’autre.
    — As-tu laissé à Judith la possibilité de se défendre ?
    — J’avais le droit de faire ce que j’ai fait ! beugla-t-il. Elle avait forfait à l’obéissance qu’elle me devait… prostitué notre nom avec celui d’un vilain. J’ai fait justice. Une Saint-Mélaine ne devient pas Madame Kernoa !
    Une vague de dégoût souleva Gilles. Ce misérable gardait assez d’orgueil de caste pour oser encore se poser en justicier.
    — Moi aussi, je vais faire justice…, dit-il seulement.
    Suivi par le regard affolé de Tudal, il alla prendre les cordes sorties tout à l’heure par Corentine, choisit la plus longue puis, mesurant de l’œil la hauteur du plafond, sauta sur la table en repoussant du pied les reliefs de nourriture et fit passer la corde par-dessus la maîtresse-poutre.
    — Que veux-tu faire ? hoqueta Saint-Mélaine. Tu ne vas pas…
    — Te pendre ? Si ! Je t’ai dit que j’étais ton bourreau ! Et tu ne mérites pas la mort d’un gentilhomme… Une bonne épée se souillerait dans ton sang…
    — Lâche… Tu n’es qu’un lâche !… Bats-toi au moins… Oh, tu profites de mon impuissance…
    — Je ferai à ton frère l’honneur de croiser le fer avec lui quand il viendra. C’est plus que ne mérite toute ta famille ! Songe à ta prière…
    Il sauta à terre et, froidement, entreprit de faire à la corde un nœud coulant. Corentine la lui arracha presque des mains.
    — Donne ! fit-elle durement en le regardant au fond des yeux. C’est à moi de la lui passer au cou ! J’aime à payer mes dettes ! Tu m’as délivrée. Je ne te laisserai pas te souiller les mains à son contact. Contente-toi de tirer sur la corde.
    Quelques minutes plus tard, Tudal de Saint-Mélaine se balançait comme un gros fruit gâté à la maîtresse-poutre de sa maison. Haletants et pâles, Gilles et Corentine se regardaient. La mort du rouquin avait été à l’image de sa vie : ignoble et vile. Il n’avait cessé de vomir des injures que pour sangloter et implorer sa grâce mais pas un instant le dernier des Tournemine n’avait senti l’ombre d’une pitié effleurer son cœur glacé. L’image de Judith jetée vivante au fond d’un trou ne le quittait plus. Très calme en apparence, il alla jusqu’à la table, y prit un flacon de rhum encore à moitié plein et en avala une
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