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Le Feu (Journal d'une Escouade)

Le Feu (Journal d'une Escouade)

Titel: Le Feu (Journal d'une Escouade)
Autoren: Henri Barbusse
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pas que les monstrueux intéressés, financiers, grands et petits faiseurs d'affaires, cuirassés dans leurs banques ou leurs maisons, qui vivent de la guerre, et en vivent en paix pendant la guerre, avec leurs fronts butés d'une sourde doctrine, leurs figures fermées comme un coffre-fort.
    Il y a ceux qui admirent l'échange étincelant des coups, qui rêvent et qui crient comme des femmes devant les couleurs vivantes des uniformes. Ceux qui s'enivrent avec la musique militaire ou avec les chansons versées au peuple comme des petits verres, les éblouis, les faibles d'esprit, les fétichistes, les sauvages.
    Ceux qui s'enfoncent dans le passé, et qui n'ont que le mot d'autrefois à la bouche, les traditionalistes pour lesquels un abus a force de loi parce qu'il s'est éternisé, et qui aspirent à être guidés par les morts, et qui s'efforcent de soumettre l'avenir et le progrès palpitant et passionné au règne des revenants et des contes de nourrice.
    Il y a avec eux tous les prêtres, qui cherchent à vous exciter et à vous endormir, pour que rien ne change, avec la morphine de leur paradis. Il y a des avocats – économistes, historiens, est-ce que je sais ! – qui vous embrouillent de phrases théoriques, qui proclament l'antagonisme des races nationales entre elles, alors que chaque nation moderne n'a qu'une unité géographique arbitraire dans les lignes abstraites de ses frontières, et est peuplée d'un artificiel amalgame de races ; et qui, généalogistes véreux, fabriquent, aux ambitions de conquête et de dépouillement, de faux certificats philosophiques et d'imaginaires titres de noblesse. La courte vue est la maladie de l'esprit humain. Les savants sont en bien des cas des espèces d'ignorants qui perdent de vue la simplicité des choses et l'éteignent et la noircissent avec des formules et des détails. On apprend dans les livres les petites choses, non les grandes.
    Et même lorsqu'ils disent qu'ils ne veulent pas la guerre, ces gens-là font tout pour la perpétuer. Ils alimentent la vanité nationale et l'amour de la suprématie par la force. « Nous seuls, disent-ils chacun derrière leurs barrières, sommes détenteurs du courage, de la loyauté, du talent, du bon goût ! » De la grandeur et de la richesse d'un pays, ils font comme une maladie dévoratrice. Du patriotisme, qui est respectable, à condition de rester dans le domaine sentimental et artistique, exactement comme les sentiments de la famille et de la province, tout aussi sacrés, ils font une conception utopique et non viable, en déséquilibre dans le monde, une espèce de cancer qui absorbe toutes les forces vives, prend toute la place et écrase la vie et qui, contagieux, aboutit, soit aux crises de la guerre, soit à l'épuisement et à l'asphyxie de la paix armée.
    La morale adorable, ils la dénaturent : Combien de crimes dont ils ont fait des vertus, en les appelant nationales avec un mot ! Même la vérité, ils la déforment. À la vérité éternelle, ils substituent chacun leur vérité nationale. Autant de peuples, autant de vérités, qui faussent et tordent la vérité.
    Tous ces gens-là, qui entretiennent ces discussions d'enfants, odieusement ridicules, que vous entendez gronder au-dessus de vous : « Ce n'est pas moi qui ai commencé, c'est toi ! – Non, ce n'est pas moi, c'est toi ! – Commence, toi ! – Non, commence, toi ! » puérilités qui éternisent la plaie immense du monde parce que ce ne sont pas les vrais intéressés qui en discutent, au contraire, et que la volonté d'en finir n'y est pas ; tous ces gens-là qui ne peuvent pas ou ne veulent pas faire la paix sur la terre ; tous ces gens-là, qui se cramponnent, pour une cause ou pour une autre, à l'état de choses ancien, lui trouvent des raisons ou lui en donnent, ceux-là sont vos ennemis !
    Ce sont vos ennemis autant que le sont aujourd'hui ces soldats allemands qui gisent ici entre vous, et qui ne sont que de pauvres dupes odieusement trompées et abruties, des animaux domestiques… Ce sont vos ennemis, quel que soit l'endroit où ils sont nés et la façon dont se prononce leur nom et la langue dans laquelle ils mentent. Regardez-les dans le ciel et sur la terre. Regardez-les partout ! Reconnaissez-les une bonne fois, et souvenez-vous à jamais !
    – Ils te diront, grogna un homme à genoux, penché, les deux mains dans la terre, en secouant les épaules comme un dogue : « Mon ami, t'as été un héros
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