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Le Druidisme

Le Druidisme

Titel: Le Druidisme
Autoren: Jean Markale
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bien celle du peuple
d’origine que celle d’un roi ou d’un peuple d’élection. Mais cela prouve en
tout cas que le druide appartient, d’une façon ou d’une autre, à un peuple
déterminé dont il partage la destinée. Il semblerait, dans ce cas, que le
druidisme soit un phénomène national, ou tout au moins tribal.
    Et pourtant l’institution druidique dépasse le cadre étroit
du peuple ou de la tribu. Encore une fois, César est un témoin essentiel.
Parlant des druides qui se choisissent un chef unique, il ajoute :
« À une certaine époque de l’année, ils se réunissent en un lieu consacré
du pays des Carnutes que l’on tient pour le centre de toute la Gaule. Là
convergent de toutes parts ceux qui ont des contestations, et ils se soumettent
à leur avis et à leur jugement » (VI, 13). Il ne peut y avoir
d’ambiguïté : les druides de tous les peuples de la Gaule se réunissent en
un seul endroit. Peut-être y élisent-ils un chef suprême, une sorte
d’archidruide des Gaules. Pourquoi pas ? Mais César ne le dit pas.
Cependant le fait que tout individu, à quelque peuple qu’il appartienne, puisse
venir exposer son cas constitue la preuve que le druidisme est une institution
au-dessus du cadre du peuple ou de la tribu, qu’il est bel et bien
supranational. Cela suppose évidemment le sentiment d’une communauté gauloise,
que l’aventure de Vercingétorix met d’ailleurs en lumière. En somme, le sanctuaire
du pays des Carnutes où se réunissent les druides est un omphallos , un centre symbolique et sacré. Était-ce
Saint-Benoit-sur-Loire, ou Fleury-sur-Loire, comme on l’a souvent proposé [12]  ?
Ou bien encore Suêvres (Sodobria, l’antique Sodo-Brivum) dans le Loir-et-Cher [13]  ?
Peu importe. La même idée se retrouve en Irlande, pays divisé en quatre
royaumes (divisés eux-mêmes en nombreuses tribus) et où la Colline préhistorique
de Tara est devenue le centre mythique de l’Île, l’ omphallos autour duquel se tenaient les grandes réunions cultuelles et politiques, et
siège d’un cinquième royaume symbolique ( Midhe ,
c’est-à-dire « le Milieu ») sur lequel régnait théoriquement l’ Ard Ri , c’est-à-dire le « Roi Suprême »
d’Irlande. Rappelons que, dans le monde hellénique, la même coutume existait,
puisque Delphes était une sorte de terrain neutre pour les cités grecques bien
souvent rivales et ennemies, lesquelles y déposaient leur trésor sous la garde
de la divinité, autour de l’ omphallos de
pierre qui marquait un centre symbolique de l’univers.
    Mais ce n’est pas tout. L’existence d’une institution
druidique supranationale étant posée, on peut aller plus loin, grâce, une fois
de plus, au témoignage de César : « Leur doctrine a été élaborée en
Bretagne [= Grande-Bretagne], et de là, à ce qu’on pense, apportée en
Gaule ; de nos jours encore, la plupart de ceux qui veulent approfondir la
connaissance de cette doctrine s’en vont là-bas pour y faire des études »
(VI, 13). Là, nous ne sommes plus en Gaule, bien que les Bretons insulaires
soient de même origine que les Gaulois (surtout après les migrations belges en
Grande-Bretagne, au début du premier siècle avant notre ère) et qu’ils aient
parlé une langue brittonique [14] probablement
à peu près identique à la langue gauloise [15] .
Curieusement, la tradition irlandaise fait venir le druidisme des « îles
du nord du monde » et nous montre futurs druides et jeunes gens allant
s’initier en Écosse (ou dans toute autre partie de la Grande-Bretagne). Or,
l’Écosse est au nord par rapport à l’Irlande, ce qui n’est pas sans intérêt
pour notre propos.
    Il n’y a pas lieu de douter de l’affirmation de César.
Familier du druide Diviciacos, il savait très bien, ne serait-ce que pour des
raisons politiques et stratégiques, quelles étaient lesfilières qui unissaient la Gaule à l’île de
Bretagne. Ces filières étaient nombreuses : il s’en était aperçu lors de
la révolte des Vénètes en 56, les Bretons ayant envoyé des secours aux
Armoricains, et il jugeait que toute conquête durable de la Gaule supposait la
conquête de l’île de Bretagne. Cette conquête, on le sait, fut très partielle
et incomplète, mais elle marque la défiance du proconsul à l’égard de peuples,
soupçonnés à juste titre d’être les véritables maîtres de la pensée celtique,
celle qui, aux antipodes du système romain,
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