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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume
Autoren: Bernard Cornwell
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boucliers et te mord la cheville.
    Il me prodigua bien d’autres conseils tandis que nous
chevauchions sur la longue route du Sud. Sur les deux cent cinquante hommes se
dirigeant vers Eoferwic, cent vingt étaient à cheval. Ils faisaient partie de
la suite de mon père ou étaient de riches fermiers, ceux qui pouvaient
s’acheter quelque armure et possédaient boucliers et épées. La plupart
n’étaient pas riches, mais ils avaient prêté serment à mon père et pris la
route avec des faux, des lances, des crocs, des gaffes et des haches. Certains
portaient des arcs, et tous avaient reçu l’ordre d’emporter des vivres pour une
semaine. Il s’agissait pour la plupart de pain dur, de fromage plus dur encore
et de poisson fumé. Nombre d’entre eux étaient accompagnés de leur femme. Mon père
avait ordonné qu’aucune ne vienne dans le Sud, mais il ne les renvoya pas,
sachant bien qu’elles nous suivraient quand même et que les hommes se battaient
mieux quand leurs épouses ou leurs maîtresses les regardaient. Il était
persuadé que ces femmes assisteraient au massacre des Danes. Il prétendait que
l’ost de Northumbrie comptait les hommes les plus rudes d’Anglie, bien plus que
ces mollassons de Merciens.
    — Ta mère était une Mercienne, ajouta-t-il sans plus
s’étendre.
    Il ne parlait jamais d’elle. Je savais qu’ils n’étaient
restés mariés qu’un an, qu’elle était morte en me donnant la vie et qu’elle
était fille d’un ealdorman. Pour mon père, c’était comme si elle n’avait jamais
existé.
    — On fuit les épreuves, dans le Wessex, ironisait-il.
(Mais c’était aux Estangles qu’il réservait son plus sévère jugement.) Ils
vivent dans des marais, m’avait-il dit un jour, tels des grenouilles.
    Nous autres Northumbriens haïssions les Estangles, car ils
nous avaient défaits il y a bien longtemps dans une bataille, tuant Ethelfrith,
notre roi, époux de la Bebba qui avait donné son nom à notre forteresse. Plus
tard, je devais découvrir que, durant l’hiver, les Estangles avaient offert
chevaux et abri aux Danes qui avaient pris Eoferwic. Mon père était donc en droit
de les mépriser. Ces grenouilles nous avaient trahis.
    Le père Beocca nous accompagnait. Mon père ne l’aimait
guère, mais il ne voulait point partir en guerre sans un homme de Dieu pour
dire les prières. En revanche, Beocca était tout dévoué à mon père, qui l’avait
affranchi et lui avait permis d’étudier. Mon père eût-il adoré le diable,
Beocca, je crois, aurait fermé les yeux. C’était un jeune homme rasé de près,
extraordinairement laid, avec un regard craintif, un nez aplati, des cheveux
roux hérissés et une main gauche infirme. Il était également fort savant, ce
que je n’appréciais guère à l’époque car il me donnait des leçons. Le pauvre
homme avait tout tenté pour m’enseigner l’alphabet, mais je me moquais de ses
efforts, préférant encourir le châtiment de mon père plutôt qu’étudier.
    Nous suivîmes la voie romaine et traversâmes le grand mur à
la Tine pour continuer vers le sud. Les Romains, disait mon père, étaient des
géants qui avaient bâti de merveilleux édifices, mais ils étaient retournés à
Rome où ils étaient morts. Les seuls survivants étaient des prêtres, mais leurs
voies étaient encore là. À mesure que nous descendions vers le sud, d’autres
hommes se joignirent à nous, si bien que ce fut une véritable horde qui marcha
sur la lande, de part et d’autre de la route aux pavés inégaux. Les hommes
dormaient à la belle étoile, tandis que mon père et ses lieutenants couchaient
dans des abbayes ou des granges.
    Notre bande était totalement désorganisée. Malgré mes dix
ans, je le remarquais. Certains avaient apporté de la boisson, d’autres
volaient de l’ale ou de l’hydromel dans les villages que nous traversions, et
il arrivait souvent qu’ils s’enivrent et s’effondrent sur le bas-côté sans que
personne s’en soucie.
    — Ils nous rattraperont, assura mon père d’un ton
désinvolte.
    — Ce n’est pas bien, me dit le père Beocca.
    — Qu’est-ce qui n’est pas bien ?
    — Il faudrait plus de discipline. J’ai lu les récits
des guerres romaines et je sais qu’il faudrait plus de discipline.
    — Ils nous rattraperont, répondis-je, en répétant les
paroles de mon père.
    Cette nuit-là, nous fûmes rejoints par des hommes venus d’un
lieu nommé Cetreht où, jadis, nous avions
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