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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume
Autoren: Bernard Cornwell
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PROLOGUE

NORTHUMBRIE, 866-867
    Mon nom est Uhtred. Je suis le fils d’Uhtred, fils d’Uhtred,
dont le père s’appelait aussi Uhtred. Le clerc de mon père, un prêtre du nom de
Beocca, l’écrivait Utred. J’ignore si cette version convenait à mon père, car
il ne savait ni lire ni écrire, mais parfois je sors de leur coffre de bois les
vieux parchemins et j’y vois son nom écrit Uhtred, Utred, Ughtred ou Ootred.
Ces parchemins attestent qu’Uhtred, fils d’Uhtred, est le légitime et unique
seigneur des terres précisément bornées de pierres et de digues, de chênes et
de frênes, par les marais et par la mer. Je rêve de ces terres sauvages,
battues par les vagues sous un ciel agité par le vent. Je rêve et je sais qu’un
jour je reprendrai ces terres à ceux qui me les ont volées.
    Je suis un ealdorman [1] , quoique je me
fasse appeler comte Uhtred, ce qui revient au même, et ces parchemins à l’encre
pâlie sont la preuve de mes possessions. La loi dit que je détiens cette terre
et la loi, nous enseigne-t-on, est ce qui fait de nous des hommes devant Dieu
et non des bêtes se vautrant dans la fange. Mais la loi ne m’est d’aucune aide
pour recouvrer mon domaine. La loi prône les compromis. La loi estime que
l’argent compensera cette perte. La loi, par-dessus tout, craint les querelles
sanglantes. Mais je suis Uhtred, fils d’Uhtred, et ceci est l’histoire d’une
querelle sanglante. Et c’est l’histoire d’une femme et de son père, un roi.
    C’était mon roi. Tout ce que je possède, je le lui dois. La
nourriture que je mange, le château où je demeure et les épées de mes
hommes : tout cela me vient d’Alfred, mon souverain, qui me détestait.
     
    Cette histoire commence bien avant ma rencontre avec Alfred.
J’avais dix ans lorsque j’ai vu les Danes pour la première fois. C’était en
l’an 866 et, à cette époque, je ne m’appelais pas Uhtred, mais Osbert, car
j’étais le puîné de mon père et seul l’aîné portait ce nom. Mon frère avait
alors dix-sept ans, il était grand et robuste, avec les cheveux clairs de notre
lignée et le visage chagrin de mon père.
    Nous chevauchions le long du rivage, nos faucons au poing.
J’étais en compagnie de mon père, de mon oncle, de mon frère et d’une dizaine
de nos hommes. C’était l’automne. Les falaises étaient encore couvertes de
l’épaisse végétation de l’été, des phoques paressaient sur les rochers et une
volée d’oiseaux de mer tournoyait en piaillant dans les airs, trop nombreux
pour que nous lâchions nos faucons. Nous avons poussé jusqu’aux laisses de mer
qui s’étendent entre nos terres et Lindisfarena, l’île Sacrée, et je me
souviens d’avoir contemplé, de l’autre côté de l’eau, les murs effondrés de
l’abbaye que les Danes avaient pillée bien avant ma naissance. Les moines
étaient revenus l’occuper, mais le monastère n’avait pas retrouvé sa gloire
passée.
    Dans mon souvenir, c’était une belle journée. Peut-être
l’était-elle vraiment. Peut-être pleuvait-il, mais il ne me semble pas. Le
soleil brillait, la marée était basse et calme, le monde était heureux. Les
serres du faucon s’agrippaient à mon poing au travers du gant de cuir, et sa
petite tête capuchonnée tressaillait en entendant crier les oiseaux blancs.
Nous avions quitté la forteresse dans la matinée et chevauché vers le nord.
Bien qu’armés de rapaces, nous n’étions pas partis dans le but de chasser, mais
pour que mon père puisse réfléchir.
    Nous gouvernions cette terre. Mon père, l’ealdorman Uhtred,
régnait sur toutes les étendues au sud de la Tuede et au nord de la Tine, mais
nous avions en Northumbrie un roi nommé Osbert, tout comme moi. Il demeurait au
sud, venait rarement dans nos contrées et ne nous causait nul souci. Or, un
dénommé Ælla convoitait le trône. Depuis les collines à l’ouest d’Eoferwic, cet
ealdorman avait levé une armée défiant Osbert, et avait envoyé à mon père des
présents en échange de son appui. Je m’en rends compte à présent, mais le
succès de cette rébellion reposait entre les mains de mon père. Je souhaitais
qu’il soutienne Osbert, simplement parce que le souverain légitime portait le
même nom que moi et, du haut de mes dix ans, je croyais naïvement que tout
homme appelé Osbert ne pouvait être que noble, bon et brave. En réalité, Osbert
était le dernier des sots, mais c’était le roi, et mon père ne
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