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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume
Autoren: Bernard Cornwell
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de mon père dans la grande salle
des festins, des hommes qu’il fallait surveiller au cas où leur ambition les
aurait fait guigner sa place, mais ils se rassemblaient loyalement derrière
lui, suivis des ceorls [3] , hommes libres de moindre condition.
Les hommes combattaient aux côtés de leur famille ou de leurs amis. Il y avait
abondance de jeunes garçons dans l’armée, mais j’étais le seul à cheval, le
seul qui portât une épée et un casque.
    J’aperçus quelques Danes derrière les palissades intactes de
part et d’autre de l’ouverture laissée par l’effondrement, là où la plus grande
partie de leur armée s’était massée, formant un rempart de boucliers au sommet
du talus. Il était haut, d’au moins dix à douze pieds, escarpé et difficile à
escalader pour affronter les combattants qui attendaient, mais j’étais certain
que nous vaincrions. J’avais dix ans, presque onze.
    Les Danes nous invectivaient en hurlant, mais nous étions
trop loin pour les entendre. Leurs boucliers, ronds comme les nôtres, étaient
peints de jaune, noir, brun et bleu. Nos hommes commencèrent à frapper leurs
boucliers de leurs armes, dans un fracas effrayant. C’était la première fois
que j’entendais la musique guerrière d’une armée, le bruit retentissant des
lances de frêne et des lames d’acier sur le bois des boucliers.
    — C’est affreux, gémit Beocca. La guerre, c’est
affreux.
    Je ne répondis pas. Moi, je trouvais cela glorieux et merveilleux.
    — Le mur de boucliers, c’est là que meurent les hommes,
continua Beocca avant d’embrasser le crucifix qui pendait sur sa poitrine. Les
portes du ciel et de l’enfer vont voir passer nombre d’âmes avant la fin de
cette journée, conclut-il d’un air sombre.
    — Les morts ne sont-ils pas emmenés dans une salle de
festin ? demandai-je.
    Il me regarda avec surprise et sembla choqué.
    — Où as-tu entendu dire cela ?
    — À Bebbanburg, répondis-je, assez prudent pour ne pas
avouer qu’Ealdwulf le forgeron m’avait soufflé ces légendes, tandis que je le
regardais battre le fer et le transformer en lames d’épées.
    — C’est ce que croient les païens, me réprimanda
Beocca. Ils croient que les guerriers morts au combat sont emmenés dans le
château de Woden pour festoyer jusqu’à la fin du monde, mais c’est une grave
erreur ! Les Danes sont toujours dans l’erreur. Ils révèrent des idoles et
nient l’existence du vrai Dieu ; ils ont tort.
    — Mais un homme doit mourir l’épée à la main ?
insistai-je.
    — Je vois que nous devrons t’enseigner le juste
catéchisme une fois cette bataille terminée, constata le prêtre d’un ton
austère.
    Je n’en dis pas plus. Je regardais, essayant de graver le
moindre détail de cette journée dans ma mémoire. Le ciel était d’un bleu
estival, avec quelques nuages seulement dans le couchant, et le soleil
scintillait sur les pointes des lances comme des paillettes de lumière sur la
mer en été. Des primevères parsemaient la plaine où était massé l’ost, et un
coucou chantait derrière nous dans le bois depuis lequel nous observaient les
femmes. Des cygnes voguaient sur la calme rivière, car il y avait peu de vent.
La fumée des cheminées d’Eoferwic s’élevait dans le ciel et ce spectacle me
rappela qu’il y aurait un festin dans la cité, ce soir, un festin composé de
porc rôti et de tout ce que nous trouverions dans les magasins de l’ennemi.
Certains de nos hommes, ceux des premières lignes, s’avançaient pour hurler à
la face de l’ennemi et le défier de descendre se battre, corps à corps, mais
aucun des Danes ne bougea.
    Ils se contentaient de nous fixer et d’attendre, leurs
lances constituant une haie, leurs boucliers une muraille, et lorsque nos cors
retentirent de nouveau, les cris et le fracas cessèrent et notre armée
s’élança.
    Elle s’avança en désordre. Plus tard, beaucoup plus tard, je
devais comprendre la réticence des hommes à se précipiter contre un mur de
boucliers, et plus encore un mur juché au sommet d’un abrupt talus de terre.
Mais ce jour-là, j’étais impatient que notre armée s’élance et terrasse ces Danes
impudents. Beocca dut retenir mon cheval par la bride pour m’empêcher de
rejoindre les derniers rangs.
    — Nous devons attendre qu’ils brisent leurs défenses,
dit-il.
    — Mais je veux occire un Dane ! protestai-je.
    — Ne sois pas sot, Uhtred, s’emporta Beocca. Si
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