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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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remarqua à part lui que les domestiques étaient souvent considérés comme des meubles. On les débaptisait la plupart du temps, et le maître ignorait leur nom réel ne considérant que l'usage particulier pour lequel des gages étaient versés.
    — Monseigneur, dit-il, puis-je avoir l'audace de réclamer toute autorité sur cette affaire dont la gravité est redoublée d'être survenue chez vous ? Nulle ingérence, nulle interférence, possibilité d'interroger tous les habitants de cette maison, je dis bien tous, autorisation permanente de circuler et de perquisitionner.
    — Bon, bon, bougonna le duc, il faudra en passer par là. Sartine soulignait aussi combien vous êtes parfois incommode.
    — Les faits le sont plus que moi. Ce n'est pas tout, monseigneur. Je souhaiterais être secondé par Bourdeau. Qu'il vous plaise d'y consentir.
    — Ce nom-là me dit quelque chose. N'est-ce pas l'un de nos exempts ?
    — Un de nos inspecteurs, monseigneur.
    — J'y suis, fit la Vrillière en se frappant le front, c'est votre fidèle second. J'aime la fidélité. Cela va de soi, j'y consens.
    — Et M. Le Noir ?
    — J'en fais mon affaire. Je vous réconcilierai avec lui. Il sera informé que ce coup-ci est de mon fait et que vous ne dépendez que de moi. Le cas est réservé et la plus grande discrétion s'impose. Le lieutenant général de police aura ordre de répondre à vos réquisitions pour toute aide ou appui dont vous pourriez avoir besoin. J'entends que, dans cette affaire comme dans d'autres, vous manifestiez le zèle le plus efficient. Un cabinet de travail vous est réservé à l'entresol et les ordres seront donnés de vous obéir en tout point. Provence, mon valet de chambre, sera votre guide dans cette maison. Vous pouvez vous fier à lui, il me sert depuis vingt ans. Faites votre travail. Monsieur, serviteur.
    Le ton du ministre savait se placer à la hauteur des circonstances. Nicolas avait souvent relevé, dans l'attitude de ce petit homme mal aimé et sans prestige personnel, une sorte de grandeur soudaine qui paraissait à l'occasion et dont la racine s'irriguait en permanence de la volonté et de la confiance du monarque. Ainsi, en de courts instants, le duc de la Vrillière se transfigurait, animé par le souci de l'État et de l'ordre qu'il était chargé d'y faire régner. L'essentiel étant dit, Nicolas s'inclina et retrouva, à la porte du cabinet, le valet qui le pria de le suivre. Ils empruntèrent le même chemin qu'à l'aller et débouchèrent à l'étage inférieur dans un grand hall qui ouvrait sur une succession d'antichambres. Dans la troisième pièce à main droite, le valet lui désigna l'entrée d'un grand cabinet qu'il jugea situé à peu près sous le bureau du ministre. Le valet referma la porte. Le feu ronflait dans une cheminée de marbre blanc au-dessus de laquelle trônait un buste de Louis XV. Il demeura un instant à le contempler, soudain accablé de souvenirs. Il s'assit ensuite à un petit bureau tout marqueté de bronze et de laque, pourvu de papiers, de plumes, d'encre et de mines de plomb. Il sortit son petit carnet noir, instrument indispensable de ses enquêtes. Une vague d'excitation le souleva ; c'était bien la fièvre habituelle du chasseur qui reprend la voie, la même ardeur qui le lançait au galop dans les halliers de la forêt de Compiègne. Déjà, son esprit se mobilisait sur l'affaire qui lui était soumise, son intelligence et son intuition à l'affût.
    Par curiosité, il poussa une porte qui lui découvrit un salon puis une chambre à coucher magnifiquement parée. Derrière cette pièce, il admira une salle de bains et des lieux à l'anglaise comme il n'en avait pas vu depuis son retour de Londres. Il revint dans le cabinet de travail et sonna. Le valet apparut. Sous la perruque grise, le domestique dans la cinquantaine, au visage fripé et terne, aux yeux délavés, le frappa par sa banalité. Nicolas contempla l'homme fluet qui flottait dans sa livrée bleue surbrodée d'argent.
    — Comment vous nommez-vous, mon ami ?
    L'homme évitait son regard.
    — Provence, monsieur le commissaire.
    — Quel est votre vrai nom ?
    — Charles Bibard.
    — Où êtes-vous né ?
    — À Paris, en 1725 ou 1726.
    Nicolas ne s'était pas trompé sur son âge.
    — Pourquoi Provence, alors ?
    — C'était le nom de mon prédécesseur. Le père de monseigneur, auquel je fus de suite attaché, ne voulut pas changer ses habitudes.
    — Bien,

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