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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres
Autoren: Andrea H. Japp
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à revoir sa chère tante ? Ainsi qu'elle l'espérait, la madrerie l'emporta sur la surprise chez la très jeune fille. Vêtue de la vilaine robe grise des oblates 7 , le crâne dissimulé sous un voile d'épais lin blanc cassé, elle s'avança, mains tendues vers la femme assise, un sourire radieux aux lèvres.
    – Ma bien chère tante… Quel bonheur de vous voir céans. La tête m'en tourne.
    – Ma douce Mathilde… la joie est mienne. J'ai tant songé à vous depuis votre retraite en ces lieux propices à l'élévation de l'âme. De grâce, asseyez-vous à mon côté. J'ai tant de choses à vous conter. Dans sa grande bienveillance, votre mère, madame d'Etreval, nous a accordé quelques heures.
    Aude surprit le regard incisif qui détaillait sa parure, jaugeait son aisance à ses bijoux. Tout cela augurait du meilleur. Lorsque la jeune moniale accompagnatrice eut refermé la porte derrière elle, le sourire de Mathilde mourut. Elle se pencha vers sa prétendue tante, la bouche pincée, et murmura en discrétion :
    – Qui êtes-vous, madame ?
    Aude lui destina un sourire enjôleur et chuchota à son tour :
    – Le croirez-vous si je vous l'affirme ? Votre meilleure amie. Nous ne jouissons que de peu de temps. Je l'ai arraché à une mère abbesse pour le moins désappointée par vos piètres efforts contre une promesse que je ferai entrer de force un peu de modestie et d'obéissance dans votre jolie tête. (Elle interrompit la repartie de Mathilde d'un élégant geste de la main.) À la vérité, peu m'en chaut. Cela étant, il vous faudra manifester une échine plus complaisante si nous voulons aboutir. Ne vous inquiétez… ce sera l'affaire de quelques jours.
    – Je n'entends rien à votre discours, madame, rétorqua Mathilde d'une voix que l'impatience et la méfiance gagnaient.
    – Vous comprendrez, ma mie 8 , que je ne puisse vous tirer de cet endroit sinistre, du moins de façon habituelle. Il me faudrait alors fournir une lettre de notaire attestant de nos liens de parentèle.
    Les yeux de Mathilde s'étrécirent. Elle était tout ouïe.
    – Toutefois, poursuivit la séduisante créature, j'ai recruté, pour vous servir, trois rudes gaillards qui vous aideront à sortir de l'enceinte. Après tout, il ne s'agit pas d'une geôle. Quoique… on pourrait s'y tromper, plaisanta Aude d'un ton léger.
    – Pourquoi ce soin de moi que vous ne connaissez pas ? Qui vous envoie ? Mon oncle, le fieffé coquin qui me laisse croupir ici depuis près d'un an ? Ma mère, cette rusée qui s'est servie de moi afin de tirer son épingle du jeu ? Jolie Nitouche 9 en vérité !
    – Ni l'un ni l'autre.
    – Allons ! Qui se préoccupe encore de moi qui crève entre ces murs odieux, à gratter la terre pour en arracher quelques légumes, à récurer pots et marmites à la cendre et au sable, à ravauder des linges de corps si élimés et rêches que ce serait affront que de les offrir en aumône.
    Elle tendit les mains vers la femme radieuse, sifflant d'un ton venimeux :
    – Voyez, madame. Voyez mes mains. Elles sont si flétries que j'en pleurerais de rage si je n'avais déjà épuisé toutes mes larmes.
    – Pauvre chère douce, murmura Aude en abondant dans son sens. Quelle horreur, en effet ! Des mains de manante 10 , de vieille femme. Vous si jolie, si racée. C'est trop injuste !
    – N'est-ce pas ? approuva Mathilde, les larmes aux yeux. Or donc, qui êtes-vous, madame, pour vous inquiéter d'une triste recluse que la jalousie des autres à conduite en ces lieux d'affliction ?
    – Vous expliquer les véritables raisons de ma venue serait prématuré et le temps nous fait défaut. Sachez cependant que je suis votre alliée, la seule qui vous demeure. Vous êtes trop fine pour que je tente de vous faire accroire que mon aide est désintéressée. Nous y reviendrons. Toutefois, soyez assurée que le sort qui vous a été imposé m'émeut. Son iniquité n'a d'égale que sa cruauté. Quant au… remboursement que j'attends, il n'aura rien de disproportionné ou de nature à vous offenser, je vous en donne parole. Le petit baron de Larnay vous a ignoblement utilisée dans la vile guerre qui l'opposait à votre mère. Que convoitait-il véritablement ? Elle ou la mine de fer de la Haute-Gravière qui fait partie de son douaire 11  ? Je l'ignore. Les deux peut-être. Il n'en reste pas moins que vous avez été flouée, malmenée, abusée. Quant à votre mère,
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