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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres
Autoren: Andrea H. Japp
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présenta. L'autre répondit d'une voix sans chaleur.
    – Bérengère d'Etreval. Je suis la mère abbesse de ce couvent. On me dit que vous souhaiteriez rencontrer mademoiselle votre nièce ?
    – En effet, madame ma mère. Je me rends à Reims. Je passais si près de Molin que l'envie de revoir ma nièce a été la plus forte.
    – C'est bien naturel de la part d'une tante.
    Quelque chose dans le ton de la femme, à la fois plat et méfiant, alerta Aude de Neyrat. Elle s'enquit :
    – Est-elle en belle santé ?
    – Fort belle.
    – Acceptez-vous de me la laisser rencontrer… oh, peu de temps. Je n'ignore pas l'austérité de la règle de Saint-Benoît, une magnifique austérité.
    – C'est, malheureusement, ce dont nous ne sommes pas parvenues à convaincre Mathilde. Peut-être pourrez-vous faire pénétrer un peu de bon sens et d'ardeur dans cette jeune tête rétive.
    – Je m'y emploierai, ma mère, avec ferveur.
    – Il vous en faudra. Je ne vous cacherai pas que n'eut été le désespoir visible et l'instance de son cher oncle qui redoutait pour la vertu et l'âme de sa nièce de sang dont il a la tutelle, nous nous serions volontiers passées d'une telle recrue. Elle ne cesse de récriminer, de se plaindre, de mentir en déhontée depuis son arrivée en nos murs. Nous attendons comme une bénédiction le jour où son parent décidera de la marier.
    Madame de Neyrat parvint à conserver un visage impassible. Ainsi, comme elle l'avait soupçonné, le petit baron 6 Eudes de Larnay s'était débarrassé de l'encombrante Ma-thilde en la cloîtrant dans un monastère. Mathilde de Souarcy, fille unique d'Agnès, après avoir rédigé un mensonger témoignage accusant sa mère de complicité d'hérésie, s'était rendue à la convocation du tribunal inquisitoire chargée de juger sa mère, ou plus exactement de l'envoyer à la mort. Malheureusement, en dépit des efforts de Nicolas Florin qui menait cette supercherie de jugement de main de maître, la bêtise de Mathilde avait fait échouer le plan mûri par Honorius Benedetti. Rongée par sa jalousie vis-à-vis de sa mère, par son désir de l'envoyer au bûcher, la jeune sotte s'était empêtrée dans ses déclarations au point que son témoignage avait été récusé. Puis Florin avait été assassiné. Aude de Neyrat réprima un sourire en imaginant la fureur qui avait dû achever de noyer le peu d'esprit d'Eudes de Larnay, le demi-frère d'Agnès, lorsqu'il avait appris que la dame de Souarcy venait d'échapper aux griffes de l'Inquisition. Il avait donc choisi une abbaye de femmes assez éloignée du Perche pour qu'Agnès ne puisse retrouver sa fille. De quoi s'agissait-il au juste ? D'une ultime vengeance contre sa demi-sœur après la débâcle du procès inquisitoire ? Larnay la fouine. Pour ce qu'en avait appris madame de Neyrat, ce dernier aurait volontiers frotté son ventre à celui de sa parente. Il l'avait poursuivie de ses assiduités incestueuses durant des années, jusqu'au jour où il n'avait plus pu se leurrer : elle ne céderait jamais et il la répugnait. À la réflexion, Aude se sentait presque une communauté d'esprit avec la dame de Souarcy, à ceci près que, à sa place, elle aurait prestement occis le petit baron.
    Aude de Neyrat adopta une mine navrée et répondit dans un soupir :
    – Je me doute de votre chagrin et de votre dépit, madame ma mère. Tant d'efforts en vain quand votre charge à toutes en ces murs est déjà si pesante. Mathilde… comment le formuler… Je comprends la décision de mon bon cousin de Larnay de vous la venir confier, ses espoirs également. Cela étant, Mathilde a toujours été une fillette fort vive pour qui l'apaisement de la prière et de la méditation était… insuffisant. Eudes aurait dû se douter que le siècle l'attirait trop pour qu'une vie de pureté et d'abnégation puisse la séduire tout à fait. Si je puis contribuer, bien modestement, à son assagissement, à l'exhorter à la patience jusqu'à ses futures épousailles, je m'y emploierai durant ma courte visite.
    – Soyez-en remerciée, madame ma fille. On vous mènera au parloir où vous pourrez vous installer toutes deux plus à votre confort.

    Un délicieux pincement d'appréhension serra la gorge de madame de Neyrat lorsqu'une moniale introduisit Mathilde de Souarcy dans le parloir. Serait-elle sotte au point de s'exclamer : « Qui êtes-vous, madame ? », ou assez rouée pour feindre la joie
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