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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1
Autoren: Mireille Calmel
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l'étouffa un peu. Il tourna aussitôt la tête vers la droite dans l'espoir de l'apaiser et, à la faveur de la bougie aux trois quarts consumée sur sa table de chevet, avisa qu'il n'était pas seul dans la pièce. Dans le lit voisin, un homme dormait. Il lui parut blafard et respirait à grand-peine dans un chuintement pulmonaire.
    Philibert eut l'intuition qu'il le connaissait et se concentra sur sa face pendant de longues minutes. Les contractions de sa glotte s'apaisèrent. Peu à peu, des bribes de souvenirs refirent surface, éclatant telles des bulles sur une mare sombre. Il se réappropria son nom, son rang, et jusqu'à l'identité de son compagnon. Tout aussitôt une bouffée de rage le prit, qui lui ramena la vision de leur duel. Elle fut balayée par le constat de sa victoire. À ce qu'il pouvait en juger, son rival était bien plus touché qu'il ne l'était lui-même. Un rictus de satisfaction tordit sa bouche fine.
    Ses yeux le piquèrent et il eut de nouveau le sentiment qu'un voile les opacifiait. Il les ferma pour le chasser, certain qu'on l'avait drogué lors des soins, et écouta les bruits alentour. Outre la respiration bruyante de Laurent de Beaumont, des ronflements lui parvenaient. De toute évidence, il se trouvait dans l'hospice de l'abbaye de Saint-Just-de-Claix. Ses idées remises en place, il se concentra sur lui-même. Il ne se souvenait pas s'être évanoui, seulement d'une estafilade au bras gauche. Sans doute avait-il perdu plus de sang qu'il ne le croyait. Il porta l'autre main à son épaule et la trouva bandée jusqu'au poignet. Cela le réconforta. Dans quelques jours tout au plus il serait sur pied et pourrait coiffer les prétentions de ce roquet de Laurent de Beaumont auprès du seigneur de Sassenage. Son rythme cardiaque s'accéléra.
    Pourquoi l'évocation du nom de Sassenage le troublait-elle à ce point ? Certes, il n'avait jusque-là jamais envisagé l'idée du mariage, mais il était un chevalier que diable, au service du grand prieur d'Auvergne… Guy de Blanchefort… Sa mission… Le souffle lui manqua. Comment avait-il pu oublier dans le regard de Philippine ce qui l'avait amené en Royannais ? Fallait-il qu'elle l'ait troublé au-delà de toute raison… Car c'était dame Sidonie qu'il était venu voir et n'avait pas trouvée à la Bâtie en Royans. Apprenant que le baron avait ses filles à Saint-Just, il avait espéré l'y rejoindre. Tout lui revenait à présent. Un tressautement vrilla une veine à sa tempe. Il y porta ses doigts avec agacement tant en lui montait l'angoisse d'avoir été retardé. Dès le lendemain, il enverrait un courrier à Guy de Blanchefort pour l'informer de son retard. Son index rencontra un bandage. Sa pensée se figea. Il suivit le pansement le long de son front, en fit le tour. Sa nuque était prise de même. Ce n'était pas à cause de son bras qu'il avait perdu connaissance, mais de cette blessure-ci !
    — La peste soit de toi, Laurent de Beaumont, gronda-t-il en tournant la tête vers lui, les yeux écarquillés de colère.
    Sa vue se brouilla si intensément cette fois qu'une brume écarlate noya le visage de son rival. La douleur fut fulgurante sous son crâne, et Philibert de Montoison se sentit aspiré vers le trou noir qu'il avait précédemment quitté.
     
    Derrière la courtine qui la séparait des blessés, sœur Albrante se dressa en sursaut dans son lit. Elle le quitta en toute hâte et en chemise pour se précipiter auprès du chevalier. Elle le découvrit dans la position où elle l'avait laissé. Il était blafard, pourtant. D'un doigt expert, elle lui souleva une paupière. Le blanc du globe oculaire était révulsé, le pouls qu'elle prit à la carotide, faible et irrégulier.
    Albrante balaya d'un regard la salle voûtée plongée dans la pénombre. Dans le lit voisin, Laurent de Beaumont sommeillait, la poitrine barrée par un pansement, la tête détournée de son adversaire. Personne d'autre pour la surprendre à cette heure… Emportant la chandelle, elle gagna l'office et se dirigea vers un coffre haut, flanqué d'une serrure ancienne, dans lequel elle gardait ses ingrédients médicinaux les plus précieux. Elle ouvrit la serrure, puis s'empara d'un coffret qu'elle déverrouilla cette fois à l'aide d'une clef curieusement ouvragée qui ne la quittait jamais. Un flacon pyramidal de verre bleu serti d'une curieuse dentelle de fils d'argent apparut à la lueur de la bougie. Une image, furtive, passa devant
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