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Le Cercle du Phénix

Le Cercle du Phénix

Titel: Le Cercle du Phénix
Autoren: Carolyn Grey
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partie de l’après-midi. Les affaires qu’il avait jugées ne
s’étaient guère révélées passionnantes : un vol à l’étalage commis par un
mendiant, une altercation entre deux ivrognes, une pitoyable escroquerie. Rien
que de très banal.
    Le magistrat de
Westminster était un homme profondément intègre. Il jugeait en toute équité les
prévenus qui comparaissaient devant lui, interrogeant témoins et accusés avec
une égale impartialité. De nature méfiante, il exigeait des preuves et des
témoignages oculaires directs pour condamner quelqu’un, refusant de se fier aux
ouï-dire et aux racontars invoqués par la pléthore d’avocats peu scrupuleux qui
gangrenait les prétoires londoniens. La clairvoyance de Sir George Kendall
était rarement prise en défaut, et sa probité reconnue par tous.
    Pour
l’heure, il rentrait chez lui faire un brin de toilette et se changer. Le
magistrat devait en effet souper le soir même chez des amis avec son épouse
Mary, sortie faire des emplettes.
    Sa
perruque à la main, il monta d’un pas lourd l’escalier qui menait à ses
appartements. Les marches craquaient sinistrement sous ses chaussures, ce qui
ne manquait jamais de lui irriter les nerfs. Arrivé sur le palier, il bifurqua
vers sa chambre. Les domestiques vaquaient à leurs occupations dans la cuisine
ou à l’office, et il se trouvait donc seul à l’étage. Un courant d’air glacial
traversa le couloir sombre : les désagréments d’une maison orientée plein
nord qui ne connaissait pas la chaleur du soleil. Une fenêtre avait dû être mal
fermée. Cependant, un inexplicable sentiment de malaise l’envahit soudain.
    Le magistrat commença à
déboutonner son gilet de soie, mais il interrompit son geste avant de l’avoir
achevé et se figea, tendu.
    Quelque chose n’allait
pas.
    Ce n’était pas de
l’angoisse à proprement parler. Juste une lancinante appréhension incrustée
dans tout son corps. La porte grinça derrière lui. Il se retourna brusquement
et un éclair argenté frappa son regard. Il eut alors la sensation qu’un bloc de
glace tombait sur sa poitrine.
    Devant lui, immobile
telle une statue, se tenait un jeune homme. Un jeune homme aux traits fins et à
la grâce évanescente, d’une beauté presque inhumaine. La sensation d’irréalité
qu’il dégageait était accrue par la couleur de ses cheveux. Des cheveux d’une
blancheur de neige, en complète contradiction avec son visage juvénile. Sir
Kendall ne pouvait détacher son regard de cet être étrange, partagé entre
fascination et effroi.
    Le jeune homme le fixait
également de ses yeux gris-bleu, impassible. Il semblait être au-delà de tout
sentiment, de toute émotion. Devant un tel détachement, un frisson parcourut
l’échiné de Sir Kendall, et la sueur perla à son front. Il fit un pas en
arrière, se heurtant à l’armoire.
    — Qui
êtes-vous ? Que me voulez-vous ? demanda-t-il sans parvenir à
réprimer le tremblement de sa voix.
    C’était plus fort que
lui, il ne pouvait maîtriser sa peur. Au cours de sa carrière, il avait côtoyé
nombre de délinquants. Des meurtriers, des voleurs, des escrocs, des crapules
sans foi ni loi. Mais aucun n’avait réussi à susciter en lui l’incontrôlable
sentiment de panique éprouvé en cet instant.
    Le jeune homme au visage
d’ange demeurait silencieux, se contentant de braquer ses yeux morts dans sa
direction.
    Le sang de Sir Kendall
se glaça dans ses veines. Un funeste pressentiment le submergea, mais il était
déjà trop tard pour réagir. Il voulut crier, appeler à l’aide, mais sa langue
semblait collée à son palais et aucun son ne sortit de sa bouche.
    Deux poignards aux lames
effilées brillèrent soudain dans la pénombre où se tenait l’intrus.
    Sir George Kendall
sentit son cœur s’affoler.
    Le temps parut se figer…
puis s’accélérer lorsque le jeune homme bondit vers lui. Jamais le magistrat
n’avait vu quelqu’un se mouvoir aussi vite. Ce fut sa dernière pensée, car d’un
coup net et précis, un des poignards plongea dans son cœur.
    La mort fut instantanée.
Avec un bruit sourd, le corps s’effondra sur le sol.
    Le meurtrier de Sir
Kendall recula d’un pas et essuya soigneusement la lame de son poignard avant
de le rengainer dans son fourreau de nacre. Il glissa l’autre dans sa manche.
    Le cadavre gisait à ses
pieds, masse informe et flasque dont le sang presque noir coulait sur le
parquet ciré. D’un geste
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