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Le Capitaine Micah Clarke

Le Capitaine Micah Clarke

Titel: Le Capitaine Micah Clarke
Autoren: Arthur Conan Doyle
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sont
accourus en si grand nombre qu'il a fallu en renvoyer beaucoup,
faute d'armes. Tous ceux qui paient la dîme dans le comté de
Somerset vont à la recherche de cognes et de faux. Il n'y a pas un
forgeron qui ne soit occupé dans sa forge du matin au soir, à faire
des fers de pique. Il y a six mille hommes comme cela dans le camp,
mais ils n'ont pas même un mousquet pour cinq. À ce qu'on m'a dit,
ils se sont mis en marche sur Axminster, où ils auront affaire au
Duc d'Albemarle qui est parti d'Exeter avec quatre mille hommes des
milices de Londres.
    – Alors, quoique nous fassions, nous
arriverons trop tard, m'écriai-je.
    – Vous aurez assez de bataille avant que
Monmouth échange son chapeau de cheval contre une couronne et sa
roquelaure à dentelles contre la pourpre, dit Saxon. Si notre digne
ami que voici est exactement renseigné, et qu'un engagement de
cette sorte ait lieu, ce ne sera que le prologue de la pièce.
Lorsque Churchill et Feversham arriveront avec les propres troupes
du Roi, ce sera alors que Monmouth fera le grand saut, qui le
portera sur le trône ou sur l'échafaud.
    Pendant qu'avait lieu cette conversation, nous
avions mis nos chevaux au pas pour descendre le sentier tortueux
qui longe la pente Est de Taunton Deane.
    Depuis quelque temps, nous avions pu voir dans
la vallée au-dessous de nous les lumières de la ville de Taunton,
et la longue bande d'argent de la rivière la Tone.
    La lune, brillant de tout son éclat dans un
ciel sans nuages, répandait un doux et paisible rayonnement sur la
plus belle et la plus riche des vallées anglaises.
    De magnifiques résidences seigneuriales, des
tours crénelées, des groupes de cottages bien abrités sous leurs
toits de chaume, les vastes et silencieuses étendues des champs de
blé, de sombres bosquets, à travers lesquels brillaient les
fenêtres éclairées des maisons qui peuplaient leurs profondeurs,
tout cela se développait autour de nous, ainsi que les paysages
indéfinis, muets, qui se déploient devant nous en nos rêves.
    Il y avait dans ce tableau tant de calme, tant
de beauté, que nous arrêtâmes nos chevaux à un coude que faisait le
sentier, que les paysans las, les pieds meurtris, firent halte, que
les blessés eux-mêmes se soulevèrent dans la charrette, pour
réjouir leurs yeux par un regard jeté sur cette terre promise.
    Tout à coup, du silence, monta une voix forte,
fervente, qui s'adressait à la Source de Vie pour lui demander de
garder et préserver ce qu'elle avait créé.
    C'était Maître Josué Pettigrue, qui, à genoux,
implorait à la fois des lumières pour l'avenir, et exprimait sa
reconnaissance de ce que son troupeau était sorti sain et sauf des
dangers rencontrés sur son chemin.
    Je voudrais, mes enfants, posséder un de ces
cristaux magiques dont vous parlent les livres, afin de pouvoir
vous y montrer cette scène : les noires silhouettes des
cavaliers, l'attitude grave, sérieuse des paysans, les uns
agenouillés pour prier, les autres s'appuyant sur leurs armes
grossières, l'expression à la fois soumise et narquoise des dragons
prisonniers, la rangée de figures pâles, contractées par la
souffrance, qui regardaient par-dessus le bord de la charrette, le
chœur de gémissements, de cris, de phrases entrecoupées qui
interrompait parfois la parole ferme et égale du pasteur.
    Si seulement j'étais capable de peindre une
pareille scène avec le pinceau d'un Verrio ou d'un Laguerre, je
n'aurais pas besoin de la décrire en ce langage décousu et
faible.
    Maître Pettigrue avait terminé son discours
d'actions de grâce, et allait se relever quand le tintement musical
d'une cloche nous arriva de la ville endormie à nos pieds.
    Pendant une ou deux minutes, ce son s'éleva
tour à tour fort et faible, en sa douce et claire vibration.
    Il fut suivi d'un second coup d'un son plus
grave, plus âpre, et d'un troisième, et l'air finit par s’emplir
d’un joyeux carillon.
    En même temps, on entendit une rumeur de cris,
d'applaudissements, qui s’enfla, s'étendit et devint un grondement
puissant.
    Des lumières étincelèrent aux fenêtres.
    Des tambours battirent.
    Toute la ville fut en mouvement.
    Ces manifestations soudaines de réjouissance,
suivant d'aussi près la prière du ministre, furent regardées comme
un heureux présage par les superstitieux paysans, qui poussèrent un
cri de joie et, se remettant en marche, furent bientôt arrivés aux
confins de la ville.
    Les sentiers et la
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