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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas
Autoren: Hervé Gagnon
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cracher dessus, comme je l’avais fait, jadis, sur la croix. Renier ma parole après avoir renié Dieu.
    Ma seule consolation était que Bertrand de Montbard ne serait pas témoin de ma déchéance, lui qui n’aurait pas hésité à respecter sa parole, sans égard pour les conséquences ; qui aurait sacrifié tout ce qui lui était cher plutôt que de renier un serment. Lui que j’avais déjà tant déçu en commettant l’innommable à
    Rossal. N’oublie pas ton vieux maître d’armes, jouvenceau. Mon enseignement n’est pas terminé. Ce que j’étais est en toi et le restera pour toujours, m’avait-il affirmé en songe, avant de pénétrer dans la lumière éternelle. Crois-m’en, la mort vaut la peine pour qui a bien vécu. Fais la volonté de Dieu en te rappelant qu’il exige toujours davantage de ceux qu’il aime le plus. Accomplis ta destinée. Je t’attendrai. En trahissant, je profanerais sa mémoire. Heureusement, nous ne nous retrouverions pas. Il était au paradis, à la droite de Dieu, j’en avais la certitude. Moi, j’irais tout droit en enfer. Car, si la chose était possible, j’étais encore plus maudit qu’auparavant. Mon maître avait été un homme. Un vrai. Moi, je n’étais qu’une indigne crevure.
    Le temps était frais et la vieille capeline qu’on m’avait fournie laissait passer le vent. Dans le ciel roulaient de gros nuages gris, rendant tout le paysage blafard. Entre mes cuisses, même Sauvage semblait triste. Le fidèle étalon avait toujours réagi à mes moindres désirs sans que j’aie à les exprimer autrement que par une pression des jambes ou un claquement de la langue. Nul doute qu’il ressentait mon abattement. Il avançait, la tête basse, l’échine moins raide que de coutume, le pas un peu traînant. Sans grande conviction, j’essayai à quelques reprises de lui caresser la crinière et le cou, mais les fers qui liaient mes poignets m’empêchaient de le faire comme il aimait, de sorte qu’il s’ébroua avec impatience, m’intimant à sa manière de le laisser en paix.
    La première journée, nous contournâmes Paris sans nous y arrêter. La vue de la capitale du royaume de France, au loin derrière sa muraille, me rappela le contenu de la note que le frère Baroche avait laissée dans la cassette, dans la chapelle souterraine. Si tu lis cette note, c’est que tu es le Lucifer désigné par le Cancellarius Maximus. Que la révélation de la Vérité apporte enfin la Lumière au monde. Sinon, que le Temple et les mots sacrés lui servent de refuge dans l’ombre du roi. Et souviens-toi : Post Tenebras Lux 3 .
    Qu’avait-il voulu dire par là ? La Vérité était incontestable. Une fois révélée, elle serait attaquée de toutes parts par une Église désespérée, mais elle prévaudrait et apporterait la lumière après mille ans de ténèbres et de mensonge. Cela, je le comprenais aisément. Mais le reste demeurait obscur. Je savais que Sa Majesté Philippe II Auguste vivait à Paris. Si l’ombre du roi planait quelque part, c’était là. On racontait qu’il s’était fait bâtir sur les limites de la ville une forteresse appelée Louvre dans laquelle il habitait. Baroche avait-il voulu dire qu’en cas de difficulté, c’était à Paris que la Vérité devait trouver refuge ? Qu’un reposoir quelconque y avait été prévu pour l’abriter au besoin ? Si oui, je devais, plus que jamais, le connaître, mais le frère servant ne le révélait pas. Tout au plus savais-je qu’il se trouvait dans la capitale une des commanderies les plus importantes du Temple, comme Bertrand de Montbard me l’avait déjà mentionné. Les Templiers étaient même chargés de la garde et de l’administration du trésor royal. Mais s’agissait-il du temple auquel Baroche faisait allusion ou parlait-il de tout autre chose ? D’un temple des Neuf, peut-être ? Je ne pouvais le déterminer. Je n’avais même jamais mis les pieds à Paris. De toute façon, pour le moment, j’avais d’autres chats à fouetter. Avant de découvrir comment protéger la Vérité, je devais d’abord la détenir.
    La première semaine, les heures et les jours se succédèrent dans l’indifférence. Entouré de soldats en alerte au moindre de mes mouvements, je n’aurais pu m’échapper même si j’en avais eu le désir. Toute tentative de fuite aurait été futile. J’avais l’obligation de me rendre à Carcassonne. Ma déchéance m’y attendait.
    Le regard accusateur
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