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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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ses dents, comme si Noah venait de lui communiquer une nouvelle extrêmement agréable.
    –  Ta femme ? dit-il. Sans blague ! Y a combien de temps que tu l’as pas vue ?
    –  Sept mois, répondit Noah.
    –  Sept mois !
    L’autre perdit son sourire. Il était très jeune, sa peau était claire et lisse comme celle d’une jeune fille, son visage à la fois mâle et doux.
    –  Sept mois, et c’est la première fois !
    Il frappa sur l’épaule de l’homme qui était assis sur le siège contre lequel ils étaient appuyés.
    –  Soldat, dit-il, lève-toi et cède ta place à cet homme marié. Il n’a pas vu sa femme depuis sept mois, elle l’attend, et il a besoin de toutes ses forces.
    Le soldat sourit, se leva.
    –  Fallait le dire plus tôt ! s’exclama-t-il.
    –  Non, protesta Noah, embarrassé, mais riant malgré lui. Ça ira comme ça. Je n’ai pas besoin de m’asseoir.
    L’homme à la bouteille de whisky le poussa impérieusement vers le siège.
    –  C’est un ordre, dit-il solennellement. Assieds-toi, soldat, et économise tes forces.
    Noah s’assit, au milieu d’un groupe de visages souriants.
    –  Tu n’as pas une photo de la dame en question, par hasard ? dit le grand soldat.
    –  Eh bien ! mais … Oui, dit Noa h.
    Il la sortit de son portefeuille et la montra au soldat, qui la regarda sérieusement.
    –  Un jardin par une belle matinée de printemps énonça-t-il. Bon Dieu ! je vais tâcher de me marier avant de les laisser me trouer la peau.
    Noah rangea son portefeuille, sourit au soldat. Cet incident lui paraissait d’excellent augure, il avait atteint le point le plus bas de sa route et commencerait, désormais, à remonter de l’autre côté, vers le soleil.
    Lorsque l’autobus s’arrêta en ville, devant le bureau de poste, le grand soldat l’aida à descendre du véhicule, avec des précautions exagérées, et lui frappa amicalement sur l’épaule.
    –  En avant, fiston, dit-il. Bon week-end. Et fais-moi le plaisir d’oublier jusqu’à lundi, au réveil, qu’il existe une chose aussi ridicule que l’armée des États-Unis.
    En souriant, Noah lui adressa un signe d’adieu et courut vers l’hôtel où Hope devait l’attendre.
    Elle était dans le hall, ballottée par le flot kaki, à l’écart d’un groupe d’autres épouses.
    Noah la découvrit avant qu’elle-même l’ait aperçu. Elle scrutait anxieusement l’amas confus de soldats, et de femmes, et de palmiers poussiéreux. Elle semblait lasse et un peu pâle. Le sourire qui éclaira son visage lorsqu’il surgit derrière elle et toucha légèrement son coude en disant : « Madame Ackermann, je crois ? » était très proche des larmes.
    Ils s’embrassèrent comme s’ils avaient été seuls.
    –  Allons, dit doucement Noah, allons, allons…
    –  N’aie pas peur, dit-elle. Je ne vais pas pleurer.
    Elle recula d’un pas, pour mieux le regarder.
    –  C’est la première fois que je te vois en uniforme, dit-elle.
    –  Comment me trouves-tu ?
    La bouche de la jeune femme trembla.
    –  Affreux, dit-elle.
    Puis ils éclatèrent de rire.
    –  Montons, dit-il.
    –  Impossible.
    –  Pourquoi ? demanda Noah, consterné, appréhendant quelque imprévisible désastre.
    –  Je n’ai pu avoir une chambre ici , c’est bondé. Mais ce n’est rien.
    Elle leva les deux mains vers le visage de Noah et s’esclaffa en y lisant l’étendue de son désespoir.
    –  Nous avons tout de même quelque chos e dans un « garni », un peu plus loin. Ne fais pas cette tête-là.
    Elle le prit par la main et ils quittèrent l’hôtel. Ils descendirent la rue, silencieusement, en se regardant à la dérobée. Noah avait conscience des regards poliment approbateurs que leur jetaient les soldats qu’ils croisaient, les soldats solitaires qui n’avaient pas de femme, pas de maîtresse en ville, et devraient se contenter de se saouler, ce soir.
    La façade du « garni » avait besoin d’être repeinte. Le porche était envahi par la vigne vierge, et la première marche du perron chancelai t.
    –  Attention ! dit Hope. Ne passe pas au travers. Ce serait un drôle de moment pour te casser une jambe.
    La propriétaire leur ouvrit la porte. C’était une vieille femme osseuse, en tablier sale. Elle regarda froidement Noah. Elle sentait la vieillesse, la sueur et l’eau de vaisselle.
    –  C’est votre mari ? demanda-t-elle, la main encore sur la clenche.
    –  Oui, dit
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