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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue
Autoren: Valerio Manfredi
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Bientôt, il se lasserait de moi.
    Mon histoire avec Xéno s’achevait là, je le sentais, l’histoire de ma rencontre avec le guerrier au puits de Beth Qadà, par une soirée dorée de printemps, il y avait bien, bien longtemps.
    Malgré tout, nous nous rendîmes ensemble, accompagnés de notre domestique, dans la ville côtière où il espérait recevoir des nouvelles de sa cité.
    Il les trouva.
    Dans une lettre déposée chez le prêtre du temple d’Artémis.
    Il s’assit sur un banc de marbre, sous la colonnade, et les lut. J’attendais le verdict debout et en silence.
    Ne parvenant plus à supporter l’étau qui me serrait le cœur, je pris la parole la première.
    « J’espère que ce ne sont pas de mauvaises nouvelles.
    — Non. Ma famille se porte bien.
    — J’en suis heureuse. »
    Il parut hésiter un moment.
    « Y a-t-il autre chose ?
    — Oui, répondit-il, les yeux bas. J’ai aussi une épouse. »
    Le sol se déroba sous mes pieds, mais je rassemblai mon courage. « Pardonne-moi… Que signifie “j’ai une épouse” ?
    — Cela signifie que mes parents ont choisi une femme pour moi, et que je devrai l’épouser. »
    Les larmes sillonnaient mes joues et je tentais en vain de les essuyer avec la manche de ma tunique. Ainsi, je ne verrais pas l’Italie, la Sicile, les belles villes que j’avais rêvé de découvrir aux côtés de Xéno, je ne verrais plus rien, ni aventure ni voyage, rien.
    Il me contempla d’un air gentil et dit : « Ne pleure pas. Je ne te renverrai pas. Je peux te garder auprès de moi…, parmi les domestiques. Nous pourrons nous voir de temps en temps.
    — Peu importe, répondis-je sans hésiter. Cette vie-là ne me convient pas. Mais ne t’inquiète pas. Lorsque je t’ai suivi, je savais que cela ne durerait pas indéfiniment. Je me suis préparée chaque jour à ce moment.
    — Tu ne sais pas ce que tu dis. Où pourrais-tu aller, toute seule ?
    — Chez moi. Je n’ai pas d’autre endroit où aller.
    — Chez toi. Tu ne sais même pas comment trouver le chemin.
    — Je le trouverai. Adieu, Xéno. »
    Il posa sur moi un regard profondément troublé, et j’espérai un instant qu’il me retiendrait, j’espérai qu’il me rappellerait alors que je descendais les marches du temple, et que nous nous embarquerions sur un bateau pour l’Italie… Enfin, j’entendis sa voix : « Attends ! »
    Il courait et je me retournai pour l’embrasser.
    « Prends ça, au moins, me dit-il. Tu pourras acheter de la nourriture, payer ton voyage… Je t’en prie, prends ça. » Il me tendit une bourse d’argent.
    « Merci », murmurai-je. Et je m’enfuis, en larmes.

Épilogue
    Abira acheva son récit par un soir d’hiver, dans la cabane au bord du fleuve. Elle avait quitté la ville côtière à la fin du printemps et s’était dirigée vers l’est en payant son voyage à des marchands arabes dont la caravane se rendait à Jaffa. Trente-deux jours avaient été nécessaires pour atteindre et traverser les Portes de Cilicie. Et quinze autres pour arriver à pied à Beth Qadà. Une entreprise relativement aisée, car elle se rappelait l’itinéraire que Xéno lui avait appris.
    Mille questions se pressaient dans notre esprit : nous les avions tues afin de ne pas interrompre le fil du récit, magnifié par la voix enchanteresse d’Abira qui frémissait et vibrait, tremblait au rythme des aventures des hommes et de la nature. Notre curiosité réclamait son dû.
    « Quel était ton sentiment après cette aventure ? lui demandai-je.
    — Je pensais que j’avais vécu une vie qui en valait mille. J’avais traversé des territoires qu’aucune d’entre vous ne verra jamais, connu des hommes et des femmes extraordinaires. Je m’étais baignée dans des fleuves dont l’eau provenait de montagnes aussi hautes que le ciel, de lieux inaccessibles, et qui la conduisaient vers des mers lointaines qu’aucun navire n’avait jamais sillonnées, et vers le fleuve Océan qui entoure la terre.
    « J’avais connu la chaleur étouffante et le froid mordant, vu dans le ciel nocturne plus d’étoiles que je n’en verrais jamais, des forteresses solitaires perchées sur des sommets couverts de neige et de glace, des précipices abyssaux et des plages dorées, des promontoires plantés d’arbres millénaires, des peuples inconnus aux coutumes étranges et fascinantes. J’avais vu le monde et ses merveilles, les hommes, leur gloire et leur misère. Et
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