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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue
Autoren: Valerio Manfredi
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l’appeler tout simplement Xéno et tint à ce qu’elle demeurât à ses côtés tout au long de cette grande aventure. Il lui raconta l’histoire des deux frères qui changeraient le visage de notre monde. Quant aux autres informations, elles lui furent fournies par des individus rencontrés au cours de cet interminable voyage.
    Abira nous confirma ce que nous avions entendu dire par nos parents durant les longues nuits d’hiver, à savoir qu’un des deux frères était un prince royal de l’Empire et qu’il menait l’armée lorsqu’elle avait traversé nos villages. Vécue par de nombreux êtres et transmise par de nombreuses bouches, cette histoire était maintenant l’unique fortune de cette femme fragile et apeurée que nous avions libérée d’un tas de pierres. À la fin de l’automne, elle entreprit de la relater aux trois gamines de quinze ans que nous étions, des gamines qui n’avaient rien vu et qui ne verraient jamais rien en dehors de leur village.
    La reine mère Parysatis avait deux fils. L’aîné se nommait Artaxerxès, et le cadet Cyrus, comme le fondateur de la dynastie. Quand le Grand Roi mourut, le trône passa au premier, selon la coutume. Mais la reine mère le regrettait, car elle chérissait davantage Cyrus : il était plus beau, plus intelligent et plus fascinant que son frère, il avait la grâce et la souplesse qui la caractérisaient dans sa jeunesse, à l’époque où elle avait épousé un homme qu’elle détestait, homme auquel ressemblait en revanche Artaxerxès. Parysatis obtint pour Cyrus le gouvernement d’une province très riche, la Lydie, située sur la rive occidentale, tout en nourrissant secrètement l’espoir de le voir prendre davantage de puissance.
    Les femmes de pouvoir sont capables d’actions qu’une femme normale n’oserait même pas concevoir.
    Elle savait en tout cas dissimuler ses pensées et ses projets, user de l’influence dont elle disposait pour atteindre les buts qu’elle se fixait. L’intrigue était son passe-temps favori après le jeu d’échecs, auquel elle était fort habile. Elle vouait une passion aux ceintures.
    Elle en arborait chaque jour une différente, tissée et brodée, en soie, en lin, en argent et en or, ornée d’agrafes d’une merveilleuse facture, œuvre d’artisans égyptiens et syriens, anatoliens et grecs. Seul l’argent de la lointaine Ibérie l’agréait pour son inimitable couleur laiteuse, ainsi que les lapis-lazulis de Bactriane qui renfermaient un grand nombre de paillettes d’or.
    Cyrus n’avait que vingt-deux ans quand il se rendit dans la province de Lydie, mais, grâce à sagacité innée et à son intelligence aiguë, il sut se comporter et se déplacer savamment sur l’échiquier compliqué de cette région où les deux plus puissantes villes de Grèce, Athènes et Sparte, se battaient depuis près de trente ans sans que l’une ou l’autre prît le dessus.
    Il décida de soutenir les Spartiates pour un motif bien précis : ils étaient les meilleurs soldats du monde connu, et Cyrus aurait aimé les voir guerroyer un jour à ses côtés. Voilà donc qui étaient les guerriers aux capes rouges et aux casques semblables a d’épouvantables masques de bronze. Athènes, en revanche, régnait sur la mer, et il fallait s’armer de flottes puissantes, garnies d’archers et de frondeurs, d’équipages habiles guidés par les meilleurs chefs, pour la défaire. Unies, ces deux villes avaient vaincu, quatre-vingts années auparavant, le Grand Roi Xerxès, qui dirigeait alors la plus grande armée de tous les temps. La stratégie de Cyrus était de les dresser l’urne contre l’autre, de les pousser à user leurs forces dans un conflit exténuant, avant de faire pencher l’aiguille de la balance vers Sparte et se l’attacher dans l’entreprise qui lui offrirait ce qu’il désirait plus que tout au monde : le trône !
    Grâce à son appui, Sparte gagna la guerre et Athènes dut se plier à une paix humiliante. Des milliers d’hommes des deux camps se retrouvèrent abasourdis au milieu d’une terre dévastée, incapables de reprendre pied dans cette nouvelle réalité et de s’adonner à des activités leur permettant de gagner leur vie.
    Ainsi sont faits les hommes : à intervalles réguliers, ils sont saisis d’une frénésie sanguinaire, d’une ivresse violente, irrésistible. Ils s’alignent côte à côte en rase campagne et, au signal, à une sonnerie de trompette, ils chargent
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