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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps
Autoren: Robert Margerit
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son amie qu’il partait le surlendemain. Elle ne put retenir des larmes.
    « Ah ! soupira-t-elle, combien tu m’auras coûté de pleurs ! Il faut croire que l’amour s’en nourrit.
    — Hélas ! je dois être fait pour causer du chagrin à tous ceux qui m’aiment, et à moi aussi. Ces larmes, ma Lise, c’est la quintessence de ton âme. Tu me donnes ce qu’il y a de plus précieux en toi. ».
    Le cœur navré, il contemplait ces yeux bleus dans leur frange blonde – ces yeux qui s’associeraient toujours pour lui au reflet du ciel dans l’étang bordé par les hampes sèches des joncs – le petit nez, la bouche si délicieusement modelée : tout ce visage dont, une fois de plus, il allait lui falloir se passer. Il allait vivre de son souvenir, de son désir. Il baisa doucement ces paupières, ces joues, ces lèvres. « Disons-nous adieu, mon amour, murmura-t-il. Si je peux venir encore demain, ce sera pour bien peu d’instants. » Elle l’étreignit puis le quittant, revint avec un tout petit tableau moins grand que la main. « Voilà ce que j’ai fait faire à ton intention, juste avant de quitter Paris, par l’ami de Danton : le peintre David, afin que tu m’aies toujours près de toi. »
    Merveilleusement peinte, c’était elle vivante, saisie dans l’intimité de son être, avec son regard, la grâce d’un sourire esquissé, avec son expression ardente et tendre. « Je n’ai cessé de penser à toi durant qu’il me peignait, ajouta-t-elle. Que n’ai-je moi aussi ton portrait ! Mais personne ici n’en réussirait un pareil. » Elle appuya longuement ses lèvres sur sa propre image en regardant Bernard, et elle lui tendit le tableau : « Ainsi, tu m’auras toute, mon cœur. Je te donnerai encore des baisers…»
    Le lendemain, il reçut un autre cadeau, de Guillaume Dulimbert : une paire de pistolets que l’homme aux lunettes lui offrit en disant :
    « Tiens, frère, et ami, voilà ma contribution patriotique à l’armement du citoyen capitaine. Si tu avais à te battre, tu trouverais ces outils plus utiles que le vestige d’ancien régime pendu à ton ceinturon.
    — On croirait, citoyen, que tu parles d’expérience, répondit Bernard en le remerciant.
    — Non, bien entendu, mais j’ai vu d’assez près la guerre, par-ci, par-là. Et tu la verras toi-même, un jour ou l’autre, au train dont vont les choses. Crois-moi.
    — Je préférerais ne te point croire. Au demeurant, tu en dis trop peu.
    — Bah ! bah ! il est des circonstances où il faut précéder l’avenir, et d’autres où mieux vaut l’attendre. Pour le moment, frère, ta besogne consiste à former des soldats pour combattre les armées des tyrans. À considérer vos recrues, le frère Jourdan, Dalesme et toi, vous y aurez quelque peine. Déployez-y pourtant de la patience, du zèle, car bientôt la liberté dépendra de nos armes. Grave ces paroles dans ton cœur, et agis en conséquence. »
    Ils se séparèrent là-dessus, sans émotion malgré leur bizarre attachement. C’est qu’il était tout de tête. Bernard n’y mettait aucun sentiment, sinon une espèce de pitié. Il plaignait d’autant plus Dulimbert qu’on ne pouvait pas l’aimer.
    Après une brève visite à la Manufacture pour embrasser Lise et Claude, Bernard rentra se coucher une dernière fois dans sa chambre où Léonarde était en train de lui remplir sa caisse d’officier, tout en se tamponnant les yeux. « Ah ! fit-elle, si seulement tu partais par plaisir, pour aller là où tu serais heureux !… Dieu sait où tu vas, et ce qui t’attend ! » Elle mêlait aux aigres paroles contre cette maudite Révolution qui leur avait pris Bernard peu à peu et le leur enlevait tout à fait, les recommandations à propos de gilets de flanelle, d’un baume dont il devait se frotter la poitrine en cas de coup de froid, d’un élixir contre les angines.
    « Tu nous écriras dès que tu seras arrivé quelque part.
    — Assurément. » Il la prit dans ses bras. « Voyons, ma bonne, ne pleure pas. Autrefois, c’était toi qui me consolais. Allons, je ne pars pas pour si longtemps ! Bientôt je serai de retour », dit-il avec assurance, mais après les propos de l’homme aux lunettes il n’en était plus certain.
    Une fois au lit, appuyé sur un coude, il resta un instant à regarder cette chambre où il avait vécu heureux et malheureux en rêvant à Lise, la table sous la petite bibliothèque avec son rideau
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