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La Religion

La Religion

Titel: La Religion
Autoren: Collectif
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l’horizon dans la brume de chaleur.
     
    QUAND TANNHAUSER fit voile lui-même, il regardait Carla et Orlandu le saluer depuis le quai. Ce départ déchira le tissu de son cœur car il ne savait pas s’il les reverrait tous deux un jour. Ni même s’il le désirait. Tout cela n’avait aucun sens, c’était bien vrai. Car il ressentait un amour terrible pour Carla et abritait envers le garçon une affection peu commune, pour laquelle le mot « amour » semblait banal. Mais c’était ainsi. Et il lui fallait partir. Orlandu n’arrivait pas à comprendre son départ, et il avait évoqué « La fameuse entreprise » dans laquelle Tannhauser avait suggéré qu’ils s’engageraient.
    « Si tu honores ta mère, et si tu apprends quelque chose d’utile, alors peut-être un jour en sera-t-il ainsi, lui avait dit Tannhauser. En attendant, nos chemins doivent se séparer, car des affaires m’attendent dans le Nord. »
    Carla ne rendit pas son départ plus douloureux en tentant de l’en dissuader. Elle contint les nombreuses émotions qui bataillaient en elle. Elle essaya de comprendre son besoin de voyager seul. Ses propres désirs devraient vivre d’espoir et, en l’embrassant pour un dernier au-revoir, elle le formula.
    « Sur la grand-route qui va de Bordeaux à Perpignan se trouve une église avec un clocher de style normand, le seul de ce genre dans toute cette région. Au-delà d’elle, la route fait une fourche. La branche sud mène à un manoir sur une colline, dont le toit ne porte qu’une tourelle, tuilée de rouge. »
    Tannhauser écouta tout cela sans donner de réponse.
    Carla dit : « Si un certain accord devait, un jour, se conclure, c’est là que tu trouverais la partenaire convenue. »
    En réponse à cela, il l’embrassa.
    Et, laissant ce baiser en guise de promesse, il partit.
    À Messine, il rendit une petite visite à Dimitrianos.
    À Venise, il régla les affaires de Sabato Svi.
    Puis, mû par un instinct trop primal pour qu’il le rejette, il poursuivit vers le nord – loin au nord, et à l’est – et, durant ce long périple, il apprit à chérir sa solitude plus que tout au monde. Il dormait dans des monastères où le silence était de règle, il renonça à la compagnie des femmes, et alors que l’hiver et lui semblaient devoir se refermer très vite l’un sur l’autre, il atteignit le village de sa naissance, et s’abandonna à la bonté de son père.
    Mattias passa l’hiver et le printemps à travailler dans la forge de Kristofer, et le lien que la guerre avait brisé depuis longtemps fut épissé de neuf. Dans les aubes glacées, il combattait avec feu et acier. Il devint le grand favori de son nouveau petit frère et de ses nouvelles petites sœurs. Il accompagnait son père dans ses tournées, et ils parlaient de choses simples. Ils partagèrent des souvenirs, d’abord avec douleur, puis avec une joie douce-amère, de celles qu’ils avaient tant aimées, puis perdues. Ils priaient ensemble devant les tombes – que Kristofer avait creusées de ses propres mains – de la mère de Tannhauser, de Gerta, de la si chère Britta. Et Tannhauser se demandait souvent si Kristofer se rappelait le mystérieux cavalier ottoman qui était venu un jour dans sa forge. Parfois, il avait l’impression que son père s’en souvenait, et que l’étranger ne lui était pas du tout étranger ; et parfois non. Et ni l’un ni l’autre ne mentionnèrent jamais l’étranger, et c’était parfait, car cet homme était un fantôme, un spectre pour Tannhauser, surtout.
    Il regagna ainsi sa force, dans son cœur et son corps. Et pendant la lente retraite de l’hiver, en voyant bourgeonner le printemps, il pensa qu’il ne repartirait jamais. Et peut-être était-ce de cette conviction que vint la guérison, car ces gens se souciaient peu de son passé, de ses exploits ou de sa gloire. Ils ne se souciaient que de lui. Et cela fit revenir Amparo dans son esprit, et il pensait à elle quand il regardait les étoiles traverser le ciel. Et il pensait aussi à Carla et Orlandu. Et il pensait à Ludovico Ludovici, le moine tragique qui avait perdu l’esprit dans le gouffre qui sépare l’amour du pouvoir, et qui lui avait dit que le chagrin était la route vers la grâce. Et qui avait dit vrai.
    Dans ces montagnes si loin de tout, Tannhauser en vint à comprendre que la tristesse était le lien qui tenait sa vie en un seul morceau, et qu’en cela il n’y avait
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