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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre
Autoren: Eiji Yoshikawa
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avait maintenant les yeux
grands ouverts, et ses lèvres esquissaient un faible sourire.
    — Pas question ! Non,
monsieur.
    Haletant, rampant sur les coudes,
traînant derrière lui ses jambes raides, Matahachi se rapprocha centimètre par
centimètre de son ami. Il essaya de saisir la main de Takezō mais n’attrapa
que son petit doigt avec le sien. Amis d’enfance, ils recouraient souvent à ce
geste pour sceller une promesse. Matahachi se rapprocha encore et lui empoigna
la main entière.
    — ... Je n’arrive pas à
croire que tu t’en sois tiré, toi aussi ! Nous devons être les seuls
survivants.
    — Ne parle pas trop vite. Je
n’ai pas encore essayé de me lever.
    — Je vais t’aider. Partons d’ici !
    Soudain, Takezō plaqua
Matahachi au sol en marmonnant :
    — Fais le mort ! Voilà
encore des embêtements !
    La terre se mit à gronder comme un
chaudron. Risquant un œil, ils virent la trombe foncer droit sur eux. Des files
de cavaliers d’un noir de jais.
    — Les salauds ! Ils
reviennent ! s’exclama Matahachi en levant le genou comme pour prendre ses
jambes à son cou.
    Takezō lui saisit la
cheville, presque au point de la lui briser, et le plaqua de nouveau à terre.
    En un instant, les chevaux les
dépassèrent – des centaines de sabots boueux, mortels, galopant en
formation de combat, foulant les samouraïs tombés. Des cris de guerre aux
lèvres, leurs armes et leurs armures s’entrechoquant, les cavaliers se
succédaient, innombrables.
    A plat ventre, les yeux clos,
Matahachi espérait contre toute vraisemblance qu’ils ne seraient pas piétinés,
mais Takezō regardait sans ciller. Les chevaux passèrent si près que l’on
sentait leur sueur. Puis tout fut terminé.
    Miracle ! Ils étaient
indemnes, et on ne les avait pas découverts ; durant plusieurs minutes,
tous deux gardèrent un silence incrédule.
    — Encore une fois sauvés !
s’écria Takezō en tendant la main vers Matahachi.
    Toujours à plat ventre, celui-ci
tourna lentement la tête pour lui adresser un large sourire un peu tremblant.
    — Quelqu’un nous protège,
pour sûr, dit-il d’une voix étranglée.
    A grand-peine, les deux amis s’aidèrent
l’un l’autre à se relever.
    Lentement, ils se frayèrent un
chemin à travers le champ de bataille, vers l’abri des collines boisées, en
clopinant et se tenant par les épaules. Là, ils s’écroulèrent de fatigue, puis,
après avoir pris du repos, se mirent en quête de nourriture. Pendant deux
jours, ils vécurent de châtaignes et de feuilles comestibles, dans les creux
détrempés du mont Ibuki. Cela les empêcha de mourir de faim mais Takezō
avait des maux d’estomac, et l’intestin de Matahachi le torturait. La
nourriture ne lui tenait pas au corps, rien ne parvenait à le désaltérer ;
pourtant, même lui sentait que ses forces lui revenaient peu à peu.
    La tempête du quinze marqua la fin
des typhons d’automne. Et voici que deux nuits plus tard seulement, une lune
froide et blanche brilla d’un éclat dur dans un ciel sans nuages.
    Tous deux savaient combien il
était dangereux de cheminer au clair de lune, leurs ombres se détachant comme
des cibles aux yeux des patrouilles qui pouvaient rechercher les fuyards. C’était
Takezō qui avait pris la décision de courir ce risque. Matahachi souffrait
tellement – à l’entendre, il aimait mieux être fait prisonnier que de
continuer à marcher – qu’à la vérité l’on ne semblait guère avoir le
choix. Il fallait avancer, mais il était non moins clair que l’on devait
trouver un endroit pour se cacher et se reposer. Ils cheminaient lentement vers
ce qu’ils croyaient être la direction de la petite ville de Tarui.
    — Peux-tu y arriver ? ne
cessait de demander Takezō.
    Il avait passé le bras de son
camarade autour de son épaule, pour l’aider à avancer.
    — ... Ça va ?
    C’était sa difficulté à respirer
qui l’inquiétait.
    — ... Veux-tu te reposer ?
    — Non, ça va.
    Matahachi tâchait de faire le
brave, mais son visage était plus pâle que la lune au-dessus d’eux. Même en s’aidant
de sa lance comme d’une canne, c’est à peine s’il pouvait mettre un pied devant
l’autre.
    A mainte et mainte reprise, il
avait présenté des excuses misérables :
    — Pardonne-moi, Takezō.
Je sais bien que c’est moi qui nous ralentis. J’en suis vraiment désolé.
    Les premières fois, Takezō s’était
contenté de répondre :
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