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La pierre et le sabre

La pierre et le sabre

Titel: La pierre et le sabre
Autoren: Eiji Yoshikawa
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d’Otsū ?
    — Qu’est-ce que tu me chantes
là ?
    — Il me semble que je suis en
train de mourir.
    Takezō se rebiffa :
    — Eh bien, si tu le crois, il
est probable que tu mourras.
    Il était exaspéré : il
souhaitait que son ami eût plus de force, de manière à pouvoir se reposer sur
lui de temps à autre, non point physiquement, mais pour qu’il l’encourageât.
    — ... Allons, Matahachi !
Arrête de pleurnicher.
    — Ma mère a des gens pour s’occuper
d’elle, mais Otsū est absolument seule au monde. Elle l’a toujours été. J’ai
tant de chagrin pour elle, Takezō ! Promets-moi de prendre soin d’elle
si je viens à disparaître.
    — Ressaisis-toi ! La
diarrhée n’a jamais tué personne. Tôt ou tard, nous allons trouver une maison ;
alors, je te mettrai au lit et te trouverai un remède quelconque. Et
maintenant, cesse de pleurnicher et de parler de mourir !
    Un peu plus loin, ils arrivèrent à
un endroit où l’entassement des cadavres donnait à supposer qu’une division
entière avait été anéantie. Maintenant, ils étaient aguerris à la vue des
entrailles. Ils contemplèrent la scène avec une froide indifférence, et s’arrêtèrent
pour se reposer de nouveau.
    Alors qu’ils reprenaient haleine,
ils entendirent bouger parmi les corps. Tous deux reculèrent, effrayés ; d’instinct,
ils se tapirent, les yeux écarquillés, les sens en alerte.
    La silhouette fit un bond pareil à
celui d’un lapin surpris. Leurs yeux s’accoutumant, ils virent qu’elle était
accroupie. Croyant d’abord qu’il s’agissait d’un samouraï égaré, ils se préparèrent
à un combat dangereux, mais à leur stupéfaction le farouche guerrier se révéla
être une jeune fille. Elle paraissait environ treize ou quatorze ans, et
portait un kimono aux manches arrondies. L’étroite obi qui lui entourait la
taille, bien que raccommodée par endroits, était en brocart d’or ; là, au
milieu des cadavres, elle offrait un bien curieux spectacle. Elle leva sur eux
des yeux de chat soupçonneux et rusés.
    Takezō et Matahachi se
posaient tous deux la même question : que diable une jeune fille
venait-elle faire en pleine nuit dans ce champ plein de cadavres et de fantômes ?
    Durant un moment, tous deux se
bornèrent à lui rendre son regard. Puis Takezō dit :
    — Qui es-tu ?
    Elle cilla à deux ou trois
reprises, se leva et s’éloigna en courant.
    — ... Arrête ! cria Takezō.
Je veux seulement te poser une question. Ne t’en va pas.
    Mais elle était partie, pareille à
un éclair dans la nuit. Le son d’une clochette s’éloigna mystérieusement dans
les ténèbres.
    — Se peut-il qu’il se soit
agi d’un fantôme ? rêva tout haut Takezō en contemplant d’un regard
vide la brume légère.
    Matahachi, frissonnant, se força à
rire.
    — S’il y en avait par ici, je
crois que ce seraient des fantômes de soldats, tu ne crois pas ?
    — Je regrette de l’avoir
effrayée, dit Takezō. Il doit absolument y avoir un village quelque part
dans les parages. Elle aurait pu nous indiquer le chemin.
    Ils se remirent en route, et
gravirent la plus proche des deux collines qui se dressaient devant eux. Dans
le creux, de l’autre côté, il y avait le marais qui s’étendait au sud du mont
Fuwa. Et une lumière, à moins d’un kilomètre.
    En s’approchant de la ferme, ils
eurent l’impression qu’il ne s’agissait pas d’un simple moulin. D’abord, elle
était entourée d’un épais mur de terre. En outre, son portail était presque majestueux.
Du moins les vestiges du portail, car il était vieux et avait grand besoin de
réparation.
    Takezō monta vers la porte,
et frappa légèrement.
    — Il y a quelqu’un ?
    N’obtenant pas de réponse, il
essaya de nouveau.
    — ... Je regrette de vous
déranger à pareille heure, mais le camarade qui m’accompagne est malade. Nous
ne voulons pas vous gêner le moins du monde... il a seulement besoin de se reposer
un peu.
    Ils entendirent chuchoter à l’intérieur,
et bientôt quelqu’un venir à la porte.
    — Vous êtes des traînards de
Sekigahara, hein ?
    La voix était celle d’une jeune
fille.
    — C’est bien ça, répondit Takezō.
Nous combattions sous les ordres du seigneur Shimmen, d’Iga.
    — Allez-vous-en ! Si l’on
vous trouve par ici, nous aurons des ennuis.
    — Ecoutez-moi : nous
regrettons beaucoup de vous importuner ainsi, mais nous avons beaucoup marché.
Mon ami a besoin
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