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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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rapports avec la garde rapprochée du Tsar.
    Philosophe, le prince de Bénévent avait pris cela pour une petite humiliation supplémentaire que lui infligeaient les vainqueurs. Cela n’arrêtait pas. Certains officiers alliés le regardaient avec un mépris glacé ; des soldats le suivaient des yeux, narquois, comme on regarde un singe de foire qui se livre à un tour habile ; des conseillers avaient suggéré au Tsar de le chasser de cet hôtel particulier, où il était chez lui, tout de même... Oh, il avait l’habitude ! Quand on fait de la politique à son niveau... Napoléon l’avait traité de « merde dans un bas de soie », on le surnommait « le diable boiteux », le grand écrivain Chateaubriand avait lancé la formule suivante : « Quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique... » Il n’avait pas pensé un instant à associer le mot « major » au nom de Margont. Il était trop occupé à essayer de consolider sa position hautement précaire et à manoeuvrer pour obtenir que les Alliés décident de rétablir la monarchie française au profit de Louis XVIII, et non de Bernadotte ! Il avait réussi ce tour de force de convaincre une partie d’entre eux qu’il représentait la France, et avait promis à Alexandre qu’il obtiendrait dès le lendemain la confirmation par le Sénat de son titre de président du gouvernement français provisoire ! Le Tsar s’était enfermé dans le plus beau de ses salons pour tenir un nouveau conseil de guerre. Lui voulait profiter de chaque minute pour faire jouer ses relations, gagner le plus de sénateurs possible à sa cause... Et voilà qu’apparaissait ce Margont, ce fantôme du passé...
    Talleyrand affichait l’expression d’une fille de joie qui verrait surgir inopinément son amant républicain de la veille et ce, le jour même de son mariage en grandes pompes avec le Tsar.
    — Monsieur de Talleyrand, je crois que Charles de Varencourt ne veut pas assassiner Napoléon, mais le Tsar ! Il veut se...
    Mais le prince de Bénévent avait tourné la tête vers le capitaine responsable du poste de garde.
    — Je n’ai jamais vu cet homme.
    L’officier avait bien voulu croire que Margont connaissait Talleyrand, le reste, c’était à voir... Margont, pensa-t-il, avait osé se moquer de lui et cela, il allait le lui faire payer ! Talleyrand s’en allait déjà.
    — Mais vous signez mon arrêt de mort ! lui cria Margont.
    Deux chasseurs l’empoignèrent avec brutalité, tandis que Lefine était pareillement maîtrisé.
    — On va assassiner le Tsar ! hurla-t-il. Et on va l’assassiner chez vous  ! Les Russes croiront que vous étiez complice !
    Talleyrand se retourna.
    — Un instant ! Je vais quand même écouter ce que cet individu a à dire. On ne sait jamais...
    Varencourt traversa un couloir, un petit salon, un autre couloir... Des soldats de la Garde se mettaient au garde-à-vous sur le passage du chef de bataillon Lyzki, qui le précédait. Quatre fantassins fermaient la marche.
    Ils arrivèrent dans une petite pièce décorée dans le style impérial, imprégnée de références gréco-romaines plus ou moins rigoureuses. Une porte à double battant était gardée par deux grenadiers du régiment Pavlo-vski, dont la coiffe était en forme de mitre. Varencourt calculait ses chances. Si Talleyrand se trouvait en présence du Tsar, il se précipiterait aussitôt sur Alexandre, misant sur l’effet de surprise et la rapidité. Si Talleyrand n’était pas dans la pièce, il prendrait le temps de se rapprocher le plus possible avant de s’élancer. Oh, mais Talleyrand ne serait pas là, il en était sûr ! Le Tsar le prenait pour un émissaire de Napoléon : il veillerait donc à le recevoir sans Talleyrand.
    La porte s’ouvrit. Lyzki lui céda le passage et se retira.
    Varencourt s’avança, salua, puis s’avança encore, jusqu’à ce qu’un général lui fasse signe de s’arrêter... Pas de Talleyrand !
    Le Tsar s’était installé dans le grand salon, le salon de l’Aigle, en compagnie d’une vingtaine de personnes : Barclay de Tolly – le commandant en chef des armées russes –, des généraux de l’infanterie de ligne ou de la Garde – dont Langeron et Raïevski, bardés de décorations –, le général prince Repnine-Volkonski – aujourd’hui chef d’état-major du Tsar, il avait conduit la charge des chevaliers-gardes à la bataille d’Austerlitz, charge que Napoléon lui-même avait jugée
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