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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes
Autoren: Armand Cabasson
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l’ordre donné par Napoléon de divulguer ces informations ?
    — Vous m’avez l’air de savoir beaucoup de choses, en effet. Mais il y a un point que je ne comprends pas, major Margont. Pourquoi prenez-vous tous ces risques ? Qu’avez-vous donc à faire du comte Kevlokine et de son assassin ? Où est votre intérêt dans tout cela ?
    — La justice est une valeur à laquelle je tiens plus qu’à ma propre personne. Cela tient à ma philanthropie, une qualité pénible à porter, je vous prie de le croire. Seulement, c’est ainsi. La Révolution a changé ma vie. Elle a fait entrer en moi l’amour de la liberté. Or il ne peut pas y avoir de liberté sans justice. Cela est difficile à expliquer. J’ai du mal à trouver les mots justes pour exprimer ma détermination et, pourtant, je vous prie de croire qu’elle est sans faille. J’irai jusqu’au bout de mon enquête, même si je n’ai personnellement rien à y gagner, même si je dois y perdre.
    Cette réponse, Margont l’avait formulée à Charles de Varencourt le jour où celui-ci lui avait demandé s’il poursuivrait son enquête au cas où les Alliés viendraient à prendre Paris. Varencourt restituait les phrases de Margont presque mot pour mot, les accompagnant de ses gestes et de son expression. La carte qu’il jouait en ce moment même, il l’avait directement prélevée dans le jeu de Margont...
    — Je vais informer le Tsar de votre requête, lui annonça Lyzki tout en s’éloignant avec la lettre de Joseph.
    Le chef de bataillon conduisait Margont à son colonel, qui se trouvait place Vendôme, grouillante de soldats. Lignes blanches d’Autrichiens, dragons prussiens azur barrés de blanc par leur baudrier, infanterie bleu de Prusse, cosaques écarlates de la Garde... On avait accroché une longue corde à la statue de Napoléon habillé en empereur romain, qui trônait tout au sommet de la colonne ornant le coeur de la place, et des fantassins de dix pays différents tiraient, tiraient, tiraient pour la jeter à bas. Par extraordinaire, la statue tenait bon sur son socle, seule au milieu de tous ces adversaires.
    Le colonel de ce régiment fut fort mécontent qu’on le dérangeât. Que venait-on gâcher son spectacle ! Au lieu de répondre au chef de bataillon, il s’adressa à l’un de ses capitaines.
    — Trouvez un régiment d’artillerie et dites-leur d’amasser toute la poudre dont ils disposent au pied de cette colonne !
    Le capitaine était pétrifié. Il ne pouvait tout de même pas obéir... Les ordres étaient de ménager les Parisiens et voilà que son colonel voulait faire sauter la place Vendôme... Avec autant de poudre, les gravats allaient retomber en pluie sur le Louvre, les Tuileries, la tête du Tsar...
    — Elle est faite avec nos canons, cette colonne ! Nos canons perdus à Austerlitz et qu’ils ont fondus ! s’irrita le colonel.
    Puis il revint à la raison et annula son ordre. Comment ? Quoi encore ? On voulait tuer le Tsar ? Voyez cela avec ceux qui sont chargés de la protection de Sa Majesté Impériale. Tandis que Margont se réjouissait et entrevoyait enfin la possibilité d’atteindre la rue de Rivoli, le colonel se dirigea vers la colonne. Il allait tirer lui-même sur cette fichue corde, et son état-major régimentaire avec lui.
    Varencourt patientait. Le faisait-on attendre exprès ? Ou Lyzki n’osait-il pas déranger le Tsar, qui discutait de l’avenir de la France et de la Russie ? Ainsi en va-t-il de l’existence : on spécule sur ce que l’on fera dans un, deux, cinq et dix ans sans savoir que l’on vit en réalité ses dix dernières minutes...
    Rue de Castiglione, Margont fut arrêté par des chasseurs de la Garde russe. Par malchance, il ne se trouvait pas à l’endroit par où était arrivé Varencourt, si bien qu’il n’avait pas affaire aux mêmes soldats, qui d’ailleurs ne s’occupaient que de leur rue et ne prêtaient pas attention au continuel va-et-vient dans la rue de Rivoli.
    Margont parlait, expliquait... Le capitaine qui l’écoutait portait un bandeau sanglant autour du front. Plusieurs de ses hommes avaient également été blessés lors de la prise des Buttes-Chaumont.
    — Personne ne va tuer le Tsar, conclut l’officier.
    Toujours dans l’espoir de rendre la rue de Rivoli attractive, Napoléon avait baptisé ou rebaptisé des rues qui la coupaient du nom de ses victoires. À Castiglione, près de Mantoue, en 1796, l’armée d’Italie
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