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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple
Autoren: Hugues De Queyssac
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vallée.
    En contrebas, l’eau de la rivière Dourdonne scintillait, se dorait un bref instant sur les galets au détour du cingle de Beynac, avant de reprendre un cours tranquille vers l’ouest, vers notre bonne ville de Bergerac. Pour abreuver nos ennemis. Avant de rejoindre la rivière Garonne et de se répandre dans l’estuaire de la Gironde, à l’endroit où la mer remonte le fleuve par marée montante, près la ville de Bordeaux où les Anglais régnaient en maîtres.
    Aucun souffle ne berçait les feuilles des chênes, des châtaigniers ou les jeunes cerneaux verts des noyers. Les charmes, majestueusement élancés et dont les multiples branches étaient habituellement si sensibles à la moindre caresse, au moindre souffle, étaient figés dans une immobilité mortelle.
    Les merles, les rossignols, les mésanges, les pinsons, si bavards en cette période de l’année, s’étaient tus. Plus aucun oiseau ne chantait sa joie de vivre. La nature retenait sa respiration. Toute vie semblait avoir cessé sur terre et dans les cieux.
    Un chat gisait ici sur le dos, les quatre pattes en l’air, pliées, griffes rentrées. Quelque fébrilité agitait ses membres : à quoi pouvait-il bien rêver ? Au détour d’un muret, les deux lévriers que monseigneur Guillaume d’Aigrefeuille, frère du défunt aumônier général de la Pignotte, lâchement occis dans le confessionnal de la cathédrale de Famagouste, avait offerts au baron de Beynac, étaient allongés à même le pavé pour y puiser une fraîcheur relative, les pattes allongées, la truffe chaude.
    Seul un coq claironnait sa virilité dans l’indifférence générale. En fait, personne ne semblait s’en étonner en ce milieu d’après-midi. La chaleur, il est vrai, opprimait les corps et amollissait les esprits.
    Quelques oisifs étaient allongés à l’ombre, à même le sol poussiéreux. Ils ronflaient puissamment, la bouche ouverte, le gosier sec, pendant que des femmes, plus courageuses, poursuivaient leurs tâches quotidiennes et quittaient la relative fraîcheur qui régnait encore à l’intérieur des pièces pour vaquer à d’inévitables corvées.
    Les quelques sergents de garde sur les créneaux somnolaient debout, les mains fermées sur la hampe de leur guisarme, le crâne sueux sous leur chapel de fer chauffé à blanc.
    Ici et là, dans la haute et la basse-cour du château, de rares gens d’armes se déplaçaient péniblement, le dos voûté, le pas traînant. Des sillons de sueur maculaient leur chainse dont l’étoffe collait à la peau. Leurs chausses étaient couvertes de poussière. L’un trouvait encore la force d’éponger son front, l’autre sa nuque, à l’aide de linges humides, à l’odeur aigre et fermentée.
     
    Soudainement, dans cette atmosphère torride, dans cette chaleur étouffante, à près de deux lieues, du côté de Castelnaud-la-Chapelle, les cloches émirent une plainte triste, lente et prolongée. Ici on sonnait le glas. Là, le tocsin que l’on reconnaissait au martellement rapide du battant lorsqu’il heurte une cloche au son particulièrement aigu. Puis à Cénac, puis ailleurs encore.
    Les bourdons leur répliquèrent d’un son grave, prolongé, puissant, qui envahit l’air, le fit vibrer, traversa des murs de seize pieds et pénétra à l’intérieur même des bâtiments et des édifices enclos dans les fortifications. Pour qui donc sonnait-on le glas et le tocsin ?
    Les chiens de meute du baron Fulbert Pons de Beynac, serrés dans leur chenil, aboyèrent en chœur. Des jappements secs, puis rauques, bientôt suivis de hurlades. Ils s’assirent sur le cul, en appui sur les pattes antérieures, le museau pointé vers le ciel pour hurler à la mort, à l’unisson.
    Du haut des créneaux, les sergents sortirent de leur torpeur et se penchèrent péniblement entre deux merlons. Les arbalétriers, planqués à l’abri de la chaleur dans la salle des Gardes, furent plus prompts à réagir. Ils se bousculèrent vers l’embrasure intérieure des archères.
    Un peu plus loin, les vicaires du chapelain et les clercs somnolaient dans la sacristie, la plume à la main, l’encre sèche. Ils soulevèrent une paupière engourdie, ouvrirent un œil, chaussèrent leurs sandales, rabattirent leur robe de bure, resserrèrent leur ceinture autour de leur bedaine.
    Ils se levèrent sans hâte, se dirigèrent vers une fenêtre à meneaux qui donnait vers le sud-est, ouvrirent tout grand le battant avant de
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