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La malédiction des templiers

La malédiction des templiers

Titel: La malédiction des templiers
Autoren: Raymond Khoury
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traversa l’esprit. Il s’arrêta un bref instant, puis pénétra dans la salle, ses sens soudain parfaitement en éveil, pris d’une angoisse rapidement justifiée par le spectacle qui s’offrait à lui.
    Les coffres avaient été forcés, leurs serrures arrachées.
    Les moines savaient ce qu’ils contenaient.
    Une brusque nausée lui monta aux lèvres et il dut s’adosser au mur le temps de retrouver son sang-froid. Faisant appel à toute l’énergie dont il était capable, il réussit à quitter la pièce et à pénétrer dans le scriptorium.
    La scène qu’il distingua malgré sa vision déformée le pétrifia.
    Ses frères étaient étendus sur le sol de la vaste pièce, dans des positions bizarres, anormales ; immobiles, leurs visages figés empreints de la pâleur glacée de la mort. Pas de sang, aucun signe de violence. On eût dit qu’ils avaient simplement cessé d’exister, comme si la vie leur avait été doucement retirée. Les moines se tenaient derrière eux en un demi-cercle macabre, le fixant d’un regard dépourvu d’expression, leur abbé, le père Philippicus, occupant la position centrale.
    Everard sentit ses jambes chanceler. Il avait compris.
    — Qu’avez-vous fait ? demanda-t-il d’une voix étranglée. Que m’avez-vous donné ?
    Il voulut se jeter sur l’abbé, mais tomba à genoux avant même d’avoir fait un pas. Se concentrant autant que possible, il essaya de comprendre ce qui s’était produit. Lui et ses hommes avaient été drogués. La boisson parfumée aux graines d’anis… c’était forcément cela. Drogués, afin de laisser aux moines tout le temps d’explorer le contenu des coffres. Puis, ce matin… l’eau. Elle avait certainement été empoisonnée, réalisa Everard, le ventre en proie à d’intolérables spasmes. Sa vision se rétrécit brutalement, ses doigts se mirent à trembler sans qu’il pût les contrôler. Il eut l’impression que ses boyaux étaient comme pris dans une main de fer puis enflammés.
    — Qu’avez-vous fait ? demanda de nouveau le Templier, articulant à grand-peine, sa langue devenue de plomb dans sa bouche soudain desséchée.
    Le père Philippicus fit un pas en avant et demeura là, dominant de toute sa hauteur le chevalier terrassé. Son expression était ferme et résolue.
    — Telle était la volonté du Seigneur, se contenta-t-il de répondre.
    Puis il leva la main et la fit lentement bouger, d’abord de haut en bas, ensuite de chaque côté, ses doigts souples traçant le signe de la croix dans l’espace trouble qui les séparait.
    Ce fut la dernière chose que vit Everard de Tyr.

1
    Istanbul, Turquie, de nos jours
    —  Salam, Professor. Ayah vaght darid keh ba man sohbat bo konid ?
    Behrouz Sharafi se retourna, étonné. L’étranger qui venait de l’interpeller – un bel homme brun, élégant, la trentaine bien sonnée, grand et mince, aux cheveux noirs plaqués en arrière par du gel, vêtu d’un col roulé anthracite sous un costume sombre – était adossé à une voiture garée là. L’homme lui adressa un petit signe avec le journal plié dans sa main. Behrouz ajusta ses lunettes et le considéra. Il était à peu près certain de ne jamais l’avoir vu, mais l’étranger était à l’évidence un compatriote iranien – son accent farsi était parfait. Ce qui était inattendu. Behrouz n’avait pas rencontré beaucoup d’Iraniens depuis son arrivée à Istanbul, à peine plus d’un an auparavant.
    Le professeur hésita puis, incité par le regard engageant et plein d’attente de l’étranger, fit quelques pas vers lui. Il faisait doux en ce début de soirée et la place donnant sur l’université avait perdu une bonne partie de son animation de la journée.
    — Excusez-moi, mais nous sommes-nous déjà…
    — Non, nous ne nous sommes jamais rencontrés, confirma l’étranger en invitant, d’un geste de la main, l’universitaire à rejoindre la berline dont il venait d’ouvrir la portière côté passager.
    Behrouz s’immobilisa, tendu, saisi d’un malaise aussi imprévisible que violent. Jusqu’à cet instant, tout ce qu’il avait vécu à Istanbul s’était révélé libérateur. Jour après jour, les tensions de la vie quotidienne de ce professeur de soufisme à l’université de Téhéran – regarder discrètement par-dessus son épaule, faire attention au moindre mot prononcé – s’étaient peu à peu dissipées. Loin des batailles politiques qui accablaient la
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