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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits
Autoren: Hugues De Queyssac
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terres froides de la Prusse, et, je dois le confesser, de fantasmes érotiques, je réagis et grognai comme un ours mal léché, bien décidé à dormir enfin seul dans le silence du feu que des pages affouaient derechef dans le foyer de la monumentale cheminée.
    La veille, conformément à une bien sage et bien triste attitude, Foulques de Montfort n’avait bu que de l’eau.
    « L’eau des Vosges, nous avait-il dit en claquant la langue, a un drôle de goût. Un goût ferrugineux. Mais Dieu qu’elle est bonne !
    — Ne blasphémez pas, comte », avais-je déclaré d’une voix pâteuse, la tête lourde, les muscles engourdis, en l’affublant du titre de l’un de ses ancêtres, sans autre raison que celle d’un esprit embué dans les vapeurs d’alcool dégagées par ce vin délicieusement doux à la langue et au palais.
     
    Avant de quitter notre chambre en tenue de chasse, vêtu de ce qui me sembla être un long mantel de peau de renard, le chevalier de Montfort m’invita, au vu de mon état, à boire un peu de cette eau ferrugineuse ; elle me ferait le plus grand bien et m’aiderait sous peu à me dresser céans, car je ne devrais pas attendre bien longtemps avant d’en ressentir les effets sur ma vessie, me susurra-t-il à l’oreille.
    J’ouvris un œil. Il désignait du doigt la porte qui donnait sur l’échauguette où s’ouvrait le trou des commodités. Les commodités, nous en avions tous éprouvé l’orifice glacial, la veille au soir, à tour de rôle.
    « Enfin seul », me dis-je lorsque j’entendis les bottes de mes compains de pèlerinage claquer de façon de plus en plus lointaine sur le sol pavé. Je tirai la chaude fourrure sur ma chainse de caslin et me recroquevillai sur moi-même, bien décidé à reposer en paix.
    Làs, les pas se rapprochèrent derechef et une main gantée me secoua l’épaule.
    Foulques me tendait un grand gobelet :
    « Buvez, messire Bertrand, buvez ! Un page vient de vous en apporter de la fraîche. Vous en avez grand besoin, croyez-moi ! »
    Je me retournai sur le côté opposé. La main me secouait de plus en plus vivement. Je grognai :
    « Non ! Buvez-en vous-même ! Vous l’aimez tellement votre eau ferrugineuse ! Et par Saint-Christophe, laissez-moi dormir. Par pitié ! Chassez le daim, le coq tétra ou je ne sais quoi, mais, de grâce, laissez-moi dormir !
    — Je dois veiller sur votre santé, Bertrand, je l’ai promis à votre épouse Marguerite. Rincez foie et boyaux, m’ordonna-t-il. Vous n’en dormirez que mieux.
    — Si vous n’aviez pas ronflé aussi fort que nos écuyers, vous et Raymond, j’aurais mieux reposé cette nuit. Et vous, vous devriez soigner votre catarrhe, vous avez le nez bouché, vous parlez nasal… »
    Après m’être assuré que ce bon chevalier s’était décidé à quitter les lieux à la parfin, dans un sursaut de bonne ou de mauvaise conscience, je bus d’un trait le godet que le page qui se tenait discrètement sur le seuil m’avait tendu, en s’avançant, le bec fendu d’un large sourire. Je faillis bien tout recracher.
    L’eau avait effectivement un curieux goût.
     
    Pas tant un goût de fer, qu’un autre goût. Une odeur de mandragore. Ou d’aconit Deux poisons mortels.
     
    Si j’avais su, j’aurais mieux fait de la raquer.

La victoire a toujours coutume d’être obtenue par peu de gens et surtout par des hommes de courage. Car, dans tout conflit, le nombre n’est pas aussi utile que le courage, bien qu’à la guerre, la célérité serve plus que le seul courage.
    De la guerre et de l’armement, Publius Flavius Vegetius Renatus (Végèce), IIII siècle apr. J. -C.
    Chapitre 2
    Au château de Kœnigsbourg, peu avant les calendes de novembre, en l’an de grâce MCCCLIII {3} .
    Une caresse, plus douce qu’une plume de duvet, effleurait mon ventre sans provoquer le moindre chatouillis. Je souriais d’extase, le membre promptement tendu, gonflé par une forte érection, les yeux fermés.
    Une main d’une infinie douceur, qui ne pouvait être que celle de Marguerite, descendit plus bas, puis remonta en parcourant de larges cercles, glissa sur mon torse, s’échappa de sournoise façon pour se poser avec la délicatesse d’un fil de soie sur mes cuisses et en explora mes poils blonds jusqu’à atteindre le pli de l’aine, en prenant bien garde de ne pas encore toucher ma virilité au bord de l’extase, au bord qu’une jouissance qui risquait de devenir de plus en plus
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