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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits
Autoren: Hugues De Queyssac
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Sur le point d’être adoubé chevalier, souviens-toi de cette parole de l’Esprit saint   : vaillant guerrier, ceins ton épée. Cette épée, c’est en effet celle de l’Esprit saint, qui est la parole de Dieu. Selon cette image, soutiens donc la Vérité, défends l’Église, les orphelins, les veuves, ceux qui prient et ceux qui travaillent, dresse-toi promptement contre ceux qui attaquent la Sainte-Église, afin de pouvoir paraître couronné en présence du Christ, armé du glaive de la Vérité et de la Justice.
    ancien rite de l’adoubement d’un chevalier, Auteur indéterminé, XII e siècle.
    Chapitre I
    En la ville de Colmar, puis au cœur de la forteresse de Kœnigsbourg, à cinq jours avant les calendes de novembre, en l’an de grâce MCCCLIII. {1}
    À l’heure de tierce, en ce jour de la fête des saints Simon et Judes, à cinq jours des calendes de novembre, le pâle soleil d’automne éclairait d’un éclat mordoré les rangées de vignes qui jalonnaient notre chemin à dextre et à senestre et en parait les feuilles d’une couleur cuivrée, parsemée de taches ocrées et vermeilles. Magnifique pays que cette région de Haute Alsace aux noms de lieux certes imprononçables pour des gens venus d’Occitanie, mais bien belle région tout de même ! Et que de bons vins !
    Nous avions longé trois châteaux qui appartenaient, nous avait-on dit, à d’illustres familles de chevaliers. Fiefs du seigneur de Ribeauvillé, les châteaux de Girsberg, de Saint-Ulrich et d’Altenkastel dominaient, à plus de trois cents toises de haut, la ville et les vignobles. Flamboyant au soleil levant, telles trois pierres précieuses serties dans un écrin de vignes et de vergers.
    Têtes nues, vêtus d’un simple haubert, nous avancions au pas sans nous douter de ce qui nous attendait.
    Jusqu’alors, notre voyage s’était déroulé depuis un mois déjà, tel un long parchemin clamé par un poursuivant d’armes à l’annonce des tournoyeurs entrant en lice, sans heurts ni mauvaises surprises : accueillis dans les plus riches ou les plus pauvres monastères, dans les châteaux les plus beaux ou les plus délabrés, dans les meilleures tavernes, choyés dans d’humbles manoirs ou couchés sur la paille dans les églises ou, parfois même, dans les étables de quelques manants, nous avions poursuivi notre route vers le siège de l’Ordre de Sainte-Marie des Teutoniques.
    Nous avions chevauché par pechs et combes, bois, plaines et vallées, gorges profondes, franchissant les rivières à gué et les fleuves aux heures de passage des bacs.
    Nous avions traversé ou contourné de nombreuses villes et bourgs : Bourges, centre du royaume, Dijon, Besançon, Belfort et Colmar, en passant par les auspices de Beaune, buvant bon vin et faisant bonne chère, abreuvant et avoinant nos chevaux, notre âne et nos roncins, sous un ciel plus clément que contrariant. Nous étions tous en belle et grande forme dans nos corps et dans nos chefs.
     
    La plupart du temps, le chevalier banneret Foulques de Montfort ouvrait la marche, les écuyers Arnould de Ségur et Guy de Vieilcastel à ses côtés. Nos trois valets d’armes suivaient avec les baguages, l’âne et les roncins. Je surveillais nos arrières en compagnie du chevalier bachelier Raymond de Carsac, des écuyers Philippe de Castelja, Onfroi de Salignac et Guilbaud de Rouffignac.
    Ce matin cependant, Amould de Ségur me précédait de six pas. Il dodelinait du chef, le dos voussé sur sa jument, les rênes lâches. Notre écuyer était en aussi forte mélancolie que nos trois valets d’armes : il cuvait encore le vin. Sur l’heure, il ne se doutait pas qu’une bien triste fin le guettait au détour du chemin.
    La veille au soir, d’aucuns d’entre nous avaient bu sans modération moult pintes de ces merveilleux vins d’Alsace, fraîchement pressés, afin de goûter les différents cépages, en humer le parfum, en admirer la robe, en savourer la voluptueuse rondeur afin de mieux les comparer aux capiteux vins du duché de Bourgogne. Mais chacun sait que le vin nouveau monte vite à la tête. Seul Foulques de Montfort était resté aussi sobre qu’un chameau traversant un désert en Terre sainte. Comme à l’accoutumée.
     
    À l’instant même où je lui conseillais de poursuivre à pied, le temps de reprendre ses esprits, le sabot antérieur de la jument de ce malheureux Arnould heurta soudain un rocher en saillie. Sa monture trébucha, fit un
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