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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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ne
guérirai point.
    – Si, dit-elle, mon homme, quand je serai près de toi
toujours.
    Elle le voulut embrasser et baiser, mais il la repoussa.
    – Les veuves, dit-elle, jurèrent entre ses mains de ne se
remarier jamais.
    Et Lamme l’écoutait, perdu en sa jalouse rêverie.
    Calleken, honteuse, poursuivit son propos :
    – Il ne voulait, dit-elle, avoir pour pénitentes que des femmes
ou des filles jeunes et belles : les autres, il les renvoyait
à leurs curés. Il établit un ordre de dévotaires, nous faisant
jurer à toutes de ne pas prendre d’autres confesseurs que
lui : je le jurai ; mes compagnes, plus instruites que
moi, me demandaient si je voulais me faire instruire dans la Sainte
Discipline et la Sainte Pénitence : je le voulus. Il était à
Bruges, au quai des Tailleurs de Pierre, près du couvent des Frères
Mineurs, une maison habitée par une femme nommée Caale de Najage,
laquelle donnait aux fillettes l’instruction et la nourriture,
moyennant un carolus d’or par mois : Broer Cornelis pouvait
entrer chez Calle de Najage sans paraître sortir de son cloître. Ce
fut en cette maison que j’allai, en une petite chambre où il se
tenait seul : là il m’ordonna de lui dire toutes mes
inclinations naturelles et charnelles : je ne l’osai
premièrement ; mais je cédai enfin, pleurai et lui dis
tout.
    – Las ! pleura Lamme, et ce moine pourceau reçut ainsi ta
douce confession.
    – Il me disait toujours, et cela est vrai, mon homme,
qu’au-dessus de la pudeur terrestre est une pudeur céleste, par
laquelle nous faisons à Dieu le sacrifice de nos hontes mondaines,
et qu’ainsi nous avouons à notre confesseur tous nos secrets désirs
et sommes dignes alors de recevoir la Sainte Discipline et là
Sainte Pénitence.
    « Enfin il m’obligea à me mettre nue devant lui, afin de
recevoir sur mon corps, qui avait péché, le trop léger châtiment de
mes fautes. Un jour il me força de me dévêtir, je m’évanouis quand
je dus laisser tomber mon linge : il me ranima au moyen de
sels et de flacons. « C’est bien pour cette fois, ma fille,
dit-il reviens dans deux jours et apporte une verge. » Cela
dura longtemps sans que jamais… je le jure devant Dieu et tous ses
saints… mon homme… comprends-moi… regarde-moi… vois si je
mens : je restai pure et fidèle… je t’aimais.
    – Pauvre doux corps, dit Lamme. Ô tache de honte sur ta robe de
mariage !
    – Lamme, dit-elle, il parlait au nom de Dieu et de notre sainte
mère Eglise ; ne le devais-je point écouter ? Je t’aimais
toujours, mais j’avais juré à la Vierge, par d’horribles serments,
de me refuser à toi : je fus faible pourtant, faible pour toi.
Te souviens-tu de l’hôtellerie de Bruges ? J’étais chez Caale
de Najage, tu passais par là sur ton âne avec Ulenspiegel. Je te
suivis ; j’avais une bonne somme d’argent, je ne dépensais
rien pour moi, je te vis avoir faim : mon cœur tira vers toi,
j’eus pitié et amour.
    – Où est-il maintenant ? demanda Ulenspiegel.
    Calleken répondit :
    – Après une enquête ordonnée par le magistrat et une
investigation des méchants, Broer Adriaensen dut quitter Bruges, et
se réfugia à Anvers. On m’a dit sur le flibot que mon homme le fit
prisonnier.
    – Quoi ! dit Lamme, ce moine que j’engraisse, c’est…
    – Lui, répondit Calleken se cachant le visage.
    – Une hache ! une hache ! dit Lamme, que je le tue,
que je vende aux enchères sa graisse de bouc lascif ! Vite,
retournons au navire. La chaloupe. Où est la chaloupe ?
    Nele lui dit :
    – C’est une vilaine cruauté de tuer ou de blesser un
prisonnier.
    – Tu me regardes d’un œil cruel, m’en empêcherais-tu ?
dit-il.
    – Oui, dit-elle.
    – Eh bien ! dit Lamme, je ne lui ferai nul mal :
laisse-moi seulement le faire sortir de sa cage. La chaloupe !
Où est la chaloupe ?
    Ils y descendirent bientôt ; Lamme s’empressait à ramer et
pleurait tout ensemble.
    – Tu es triste, mon homme ? lui dit Calleken.
    – Non, dit-il, je suis aise : tu ne me quitteras plus sans
doute ?
    – Jamais ! dit-elle.
    – Tu es pure et fidèle, dis-tu ; mais, douce mignonne,
aimée Calleken, je ne vivais que pour te retrouver, et voici que
maintenant, grâce à ce moine, il y aura du poison dans tous nos
bonheurs, poison de jalousie… dès que je serai triste ou las
seulement, je te verrai nue, soumettant ton beau corps à ce
flagellement infâme. Le printemps de nos amours
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