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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak
Autoren: Charles De Coster
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fut à moi, mais
l’été fut à lui ; l’automne sera gris, bientôt viendra l’hiver
pour enterrer mon amour fidèle.
    – Tu pleures ? dit-elle.
    – Oui, dit-il, ce qui est passé ne reviendra plus.
    Nele dit alors :
    – Si Calleken fut fidèle, elle devrait te laisser seul pour tes
méchantes paroles.
    – Il ne sait pas comme je l’aimais, dit Calleken.
    – Dis-tu vrai ? s’écria Lamme ; viens, mignonne ;
viens, ma femme ; il n’y a plus d’automne gris ni d’hiver
fossoyeur.
    Et il parut joyeux, et ils vinrent au navire.
    Ulenspiegel donna les clefs de la cage à Lamme, qui
l’ouvrit ; il voulut en tirer par une oreille le moine sur le
pont, mais il ne le put ; il voulut l’en faire sortir de
profil, il ne le put davantage.
    -Il faudra casser tout ; le chapon est gras, dit-il.
    Le moine en sortit alors, roulant de gros yeux hébétés, tenant
des deux mains sa bedaine, et tomba sur son séant, à cause d’une
grosse vaque qui passa sous le navire.
    Et Lamme parlant au moine :
    – Diras-tu encore « gros homme » ? Tu es plus
gros que moi. Qui te fit faire sept repas par jour ? Moi. D’où
vient-il, braillard, que tu es maintenant plus calme, plus doux aux
pauvres Gueux ?
    Et poursuivant son propos :
    – Si tu restes encore un an en cage, tu n’en sauras plus
sortir : tes joues tremblent comme de la gelée de cochon quand
tu te remues : tu ne cries déjà plus ; bientôt tu ne
sauras plus souffler.
    – Tais-toi, gros homme, disait le moine.
    – Gros homme, disait Lamme, entrant en rage, je suis Lamme
Goedzak, tu es Broer Dikzak, Vetzak, Leugenzak, Slokkenzak,
Wulpszak, le frère gros sac, sac à graisse, sac à mensonge, sac à
empiffrement, sac à luxure : tu as quatre doigts de lard sous
la peau, on ne voit plus tes yeux : Ulenspiegel et moi
logerions à l’aise dans la cathédrale de ta bedaine ! Tu
m’appelas gros homme, veux-tu un miroir pour contempler ta
ventralité ? C’est moi qui te nourris, monument de chair et
d’os. J’ai juré que tu cracherais de la graisse, que tu suerais de
la graisse et laisserais derrière toi des traces de graisse comme
une chandelle fondant au soleil. On dit que l’apoplexie vient au
septième menton ; tu en as cinq et demi maintenant.
    Puis, parlant aux Gueux
    – Voyez ce paillard ! c’est Broer Adriaensen Vauriaensen,
de Bruges : là, il prêcha une nouvelle pudeur. Sa graisse est
sa punition ; sa graisse est mon ouvrage. Or oyez, vous tous
matelots et soudards : je vais vous quitter, te quitter, toi,
Ulenspiegel, te quitter aussi toi, petite Nele, pour aller à
Flessingue où j’ai du bien, vivre avec ma pauvre femme retrouvée.
Vous me fîtes jadis serment de m’accorder tout ce que je vous
demanderais…
    – C’est parole de Gueux, dirent-ils.
    – Donc, dit Lamme, regardez ce paillard, ce Broer Adriaensen
Vauriaensen, de Bruges ; je jurai de le faire mourir de
graisse comme un pourceau ; construisez une cage plus large,
faites-lui faire de force douze repas en un jour au lieu de
sept ; baillez-lui une nourriture grasse et sucrée, il est
déjà comme un bœuf, faites qu’il soit comme un éléphant, et vous le
verrez remplir bientôt la cage.
    – Nous l’engraisserons, dirent-ils.
    – Et maintenant, poursuivit Lamme parlant au moine, je te dis
adieu aussi à toi, vaurien, que je fais nourrir monacalement au
lieu de te faire pendre : crois en graisse et en
apoplexie.
    Puis, prenant sa femme Calleken dans ses bras :
    – Regarde, grogne ou meugle, je te l’enlève, tu ne la fouetteras
point davantage.
    Mais le moine, entrant en furie et parlant à Calleken :
    – Tu t’en vas donc, femme charnelle, dans le lit de
Luxure ! Oui, tu t’en vas sans pitié pour le pauvre martyr de
la parole de Dieu, qui t’enseigna la sainte, suave et céleste
discipline. Sois maudite ! Que nul prêtre ne te
pardonne ; que la terre soit brûlante à tes pieds ; que
le sucre te paraisse du sel ; que le bœuf te soit comme du
chien mort ; que le pain te soit de la cendre ; que le
soleil te soit de glace et la neige un feu d’enfer ; que ta
fécondité soit maudite ; que tes enfants soient
détestables ; qu’ils aient un corps de singe, une tête de
pourceau plus grosse que leur ventre ; que tu souffres,
pleures, geignes en ce monde et en l’autre, dans l’enfer qui
t’attend, l’enfer de soufre et de bitume allumé pour les femelles
de ton espèce. Tu refusas mon paternel amour : sois maudite
trois
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