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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges
Autoren: Bernard Cornwell
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le rivage, avait apporté de la bière.
    Dans les grandes églises du monde chrétien, c’étaient les
chevaliers qui effectuaient cette vigile annuelle. Ils s’agenouillaient tout
armés, revêtus de leurs surcots brodés où l’on voyait des lions dressés sur
leurs pattes, des faucons à la tête inclinée, des lames de hache et des aigles
aux ailes déployées. Leurs heaumes étaient ornés d’une crête de plumes. Mais à
Hookton, il n’y avait pas de chevaliers et seul le plus jeune des quatre
hommes, qui s’appelait Thomas et était assis un peu à l’écart des trois autres,
portait une arme, une antique épée émoussée et quelque peu mangée par la
rouille.
    — Tu crois que cette vieille lame va faire peur au
diable, Thomas ? demanda John.
    — Mon père m’a dit que je devais la prendre.
    — Et que veut-il que tu fasses d’une épée ?
    — Il ne jette jamais rien, tu le sais bien, dit Thomas
en soulevant la vieille arme.
    Elle était lourde, mais il la leva sans difficulté. Âgé de
dix-huit ans, Thomas était un jeune homme de haute taille et extrêmement fort.
Dans le village, tout le monde l’aimait. Il était dur au travail et son plus
grand plaisir était de passer une journée en mer, hissant des filets à s’en
faire saigner les mains. Sachant naviguer à la voile, il était aussi capable
quand le vent faisait défaut de donner un bon coup de rame. Il pouvait tendre
des pièges, tirer à l’arc, creuser une tombe, châtrer un veau, étendre du
chaume ou couper du foin toute la journée. C’était un grand et solide garçon de
la campagne. Mais Dieu l’avait pourvu d’un père qui voulait l’élever au-dessus
des choses communes. Il voulait que son fils devienne prêtre. C’est pour cela
que Thomas venait d’achever son premier trimestre à Oxford.
    — Qu’est-ce que tu fais donc à Oxford, Thomas ?
lui demanda Edward.
    — Tout ce que je ne devrais pas faire, répondit-il.
    Il ramena en arrière ses cheveux bruns, dégageant son visage
qu’il avait aussi osseux que celui de son père. Ses yeux étaient d’un bleu
profond, légèrement tombants, sa mâchoire longue et son sourire intelligent.
Les filles du village le trouvaient beau garçon.
    — Il y a des filles à Oxford ? demanda John
malicieusement.
    — Plus qu’il n’en faut, répondit Thomas.
    — Ne le dis pas à ton père, intervint Edward, sinon il
va encore te donner le fouet. Il sait y faire avec un fouet, ton père.
    — Personne n’est meilleur que lui, admit Thomas.
    — Il ne veut que ton bien, dit John, on ne peut pas
l’en blâmer.
    Mais Thomas blâmait son père. Il l’avait toujours fait. Cela
faisait des années qu’il s’opposait à lui, et ce qui entretenait le plus la
discorde entre eux, c’était la passion de Thomas pour les arcs. Le père de sa
mère avait été archer dans le Weald [2] et Thomas avait vécu avec son
grand-père presque jusqu’à l’âge de dix ans. Puis son père l’avait amené à
Hookton et là, il avait rencontré le piqueur de sir Giles Marriott, lui aussi
très expérimenté dans le tir à l’arc, et ce piqueur était devenu son nouveau
tuteur. Thomas avait fabriqué son premier arc à onze ans. Mais quand son père
avait découvert l’arme en bois d’orme, il l’avait brisée sur son genou et
s’était servi des morceaux pour corriger son fils. « Tu n’es pas un enfant
du commun ! » avait hurlé son père en le frappant sur le dos, les
jambes et la tête. Mais ni les mots ni la correction n’eurent de résultat. Et
comme son père avait généralement d’autres occupations, Thomas disposait du
temps nécessaire pour se livrer à sa passion.
    À l’âge de quinze ans, il était devenu aussi bon archer que
son grand-père et il savait façonner un arc en choisissant le bois dense du
cœur de l’if pour la partie centrale tandis que l’avant était en aubier plus
flexible. Pour l’esprit vif de Thomas, il y avait quelque chose de beau, de
simple et d’élégant dans un bon arc. Souple et fort, l’arc ressemblait au ventre
plat d’une jeune fille, et ce soir-là, pendant la vigile de Pâques dans
l’église de Hookton, Thomas repensait à Jane, qui servait dans la petite
taverne du village.
    John, Edward et les deux autres s’étaient mis à parler des
affaires du bourg, du prix des agneaux à la foire de Dorchester, de ce vieux
renard sur la colline de la Lipp qui, en une seule nuit, avait emporté tout un
troupeau d’oies, et
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