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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse
Autoren: Jean Markale
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On ne saurait mieux faire pour abaisser la femme, fût-elle Theotokos .
    Il ne s’agit pas ici de mettre en doute ou de ridiculiser la foi séculaire en celle qu’on appellera bientôt très justement « Notre-Dame », mais de montrer comment, à travers les incohérences flagrantes des textes canoniques et des commentaires – divergents – des Pères de l’Église, le concept de la déesse mère, également Vierge mère et Mère innombrable, a pu se maintenir et acquérir, au cours des siècles, une forme concrète et accessible à la compréhension humaine. Car, sans représentation concrète, formelle, sensible, un concept non seulement n’évoque rien mais ne peut se transmettre. Or ce concept s’est transmis et il évoque quelque chose, y compris en cette fin de XX e  siècle où se rencontrent tant de railleurs prêts à ironiser sur « Marie toujours vierge » sans s’être posé la moindre question sur la signification des termes et la place qu’occupe ce concept dans l’évolution spirituelle de l’humanité.
    Il faut donc partir du personnage historique de Myriam-Marie. Qui était-elle ? Personne n’en sait rien. Le seul qui eût pu nous en dire long à son propos, l’apôtre Jean, dont la tradition chrétienne affirme qu’il vécut avec la mère de Jésus, ne dit rien sur elle. Jean est absolument muet sur la conception et la naissance de Jésus, muet sur le rôle de Myriam-Marie dans la vie de Jésus, en dehors de quelques détails qui sont d’ailleurs révélateurs du peu de considération qu’avait Jésus pour sa mère, une femme, donc un être inférieur qui n’avait qu’à s’occuper de ses propres affaires et non de celles de son fils. On en attendait davantage d’un disciple « que Jésus aimait » et à qui il avait, sur la Croix, confié sa mère. C’est l’une des plus grandes absurdités des Évangiles : le témoin principal de la vie de Myriam-Marie ne dit rien sur elle, et il faut que ce soit Luc (ou ceux qui rédigent à sa place : il ne faut jamais oublier le prudent secundum Lucam que l’Église place au début de la lecture de l’Évangile), qui n’a jamais connu ni Jésus, ni Marie, qui soit l’informateur essentiel en ce domaine. Certes, Matthieu en parle également, mais de façon plus succincte, et il est impossible de savoir quelle est l’antériorité de l’un par rapport à l’autre. De toute façon, deux des Évangiles canoniques sur quatre sont muets sur les circonstances de la naissance de Jésus, et aucun de ces Évangiles ne mentionne une quelconque rencontre de Jésus avec sa mère après sa résurrection. Seuls les Actes des Apôtres, que la tradition attribue à Luc, font état de rencontres entre Marie et les disciples de Jésus.
    Au fait, qui était ce Luc qui donne tant d’informations sur Marie et les premières années de Jésus ? La tradition chrétienne répond unanimement : un disciple de saint Paul. Or, comme Paul n’a jamais connu physiquement Jésus, ce qui ne l’a pas empêché d’être le véritable créateur de l’Église chrétienne, on ne peut pas dire que le témoignage contenu dans les écrits attribués à Luc soit de première main. Mais Luc était de toute évidence un lettré. On rapporte qu’il était médecin mais nous n’en savons rien. Tout ce qu’on peut affirmer c’est qu’il était hellénisé, vraisemblablement grec, et que c’était un païen converti au contact de Paul, lui-même incontestablement hellénisé malgré son origine juive.
    On sait que le plus ancien des Évangiles était celui de Matthieu, l’un des douze apôtres. Matthieu était juif et écrivait en langue araméenne, qui était celle du peuple, la langue la plus répandue dans toute la Palestine et aux alentours, tandis que la langue hébraïque était réservée aux prêtres et aux élites intellectuelles. Mais l’original araméen de Matthieu a été perdu, et il n’en subsiste que la traduction grecque, bien plus tardive. Or, de l’avis de tous les exégètes, le traducteur de Matthieu connaissait le récit de Marc dont il s’inspire en plusieurs endroits, ce qui rend le texte grec de Matthieu peu fiable : les interpolations y sont fréquentes et, quoi qu’il en soit, le passage d’une langue sémitique – où l’on n’écrit pas les voyelles – à une langue indo-européenne, en l’occurrence le grec, n’est pas facile. Il se peut qu’il y ait eu des erreurs d’interprétation, et cela en toute bonne foi.
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