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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse
Autoren: Jean Markale
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Donc, d’après les documents dont nous disposons, l’Évangile de Marc semblerait le plus ancien, et celui de Jean le plus proche de la réalité de Jésus du fait de la place privilégiée occupée par « le disciple qu’aimait Jésus ». Mais, ni Marc ni Jean ne disent quoi que ce soit au sujet de la conception virginale, de la naissance, de l’enfance et de l’adolescence de Jésus . Ce n’est pas une hypothèse, mais un fait. Les deux Évangiles qui donnent quelques renseignements – d’ailleurs bien fragmentaires – à ce sujet sont les deux récits les plus chargés d’hellénisme : celui de Matthieu, qui est une traduction, et celui de Luc, dont il est certain que l’original était en grec. On peut alors risquer une hypothèse bâtie sur la personnalité supposée de Luc : « Son souci à lui, l’ancien païen, était “de dépasser encore, en merveilleux, les histoires religieuses qui avaient bercé son enfance” 7 . » Il aurait donc en quelque sorte voulu retrouver en Myriam-Marie, mère de Jésus, les caractéristiques dominantes de la Vierge mère païenne d’Éphèse, mais débarrassées de toute composante sexuelle. D’où le thème de l’Annonciation par Gabriel et la description idyllique d’une Sainte Famille qui n’a jamais existé que dans son imagination, Myriam-Marie n’ayant jamais été mariée à Joseph : dans aucun texte canonique il n’est question de ce mariage, n’en déplaise à certains traducteurs (?) pour messe dominicale – et familiale.
    En fait, le personnage de Joseph apparaît comme parfaitement inutile dans le schéma originel : le rôle principal appartient à Myriam-Marie dont la maternité est une authentique parthénogénèse, même si on l’explique par l’intervention de l’Esprit-Saint qui « la recouvre de son ombre », comme le dit si poétiquement le texte évangélique. Mais cette parthénogénèse et la relation essentielle entre Jésus et sa mère risquaient d’être mal comprises par les nouveaux adeptes, trop habitués aux récits mythologiques concernant les rapports ambigus entre la déesse mère et son fils. C’est alors qu’intervient Luc en rationalisant le schéma et surtout en l’historicisant de façon à le rendre compréhensible, mémorable et bien entendu conforme à la nouvelle donne dogmatique qui se dessinait chez les héritiers des premiers apôtres. « Il est cependant évident que Luc n’a pas adapté les récits de l’enfance du Christ aux mythes des déesses mères, mais qu’il a voulu montrer que certains de ces mythes, qui n’étaient que des idéalisations des tendances profondes de l’être humain, ont été réalisés historiquement, donc réellement dans l’histoire de Jésus et que Celui-ci est donc la synthèse des deux religions : masculine (Dieu est le père de l’histoire des hommes) et féminine (la Déesse est la mère de la nature), et que Jésus doit être considéré non seulement comme le centre et le pôle d’attraction de toute l’histoire de l’humanité, mais également comme le principe de la création tout entière 8 . » Et c’est Myriam-Marie qui incarne alors la nature en train de naturer dans une parturition permanente. Elle est vraiment la Mère innombrable, et c’est pourquoi, sur le Golgotha, Jésus la confie à Jean : « Femme, voici ton fils ! » (Jean 19, 26) en signifiant par là qu’il la donne à l’humanité entière par l’intermédiaire symbolique du disciple bien-aimé. Moment capital du message évangélique, qui est aussi la reconnaissance du concept de mère universelle incarné dans le personnage de Myriam-Marie.
    Cette Myriam-Marie n’en est que plus énigmatique. Il est difficile d’admettre qu’elle n’était qu’une simple jeune fille du peuple comme on a parfois trop tendance à la représenter, sans doute par excès de populisme. Si l’on prend au sérieux la filiation davidique de Jésus – et pourquoi ne le ferait-on pas ? –, on doit convenir que Myriam-Marie appartenait à une famille de haute noblesse, d’une lignée royale 9 . Elle devait jouir de privilèges incontestables par rapport aux autres femmes, privilèges sociaux et entorses aux coutumes qui voulaient que la femme fût entièrement soumise au père, puis au mari. Or Myriam vit chez Joseph bien qu’elle ne soit pas mariée, ce qui est en principe impensable. Or elle va passer plusieurs mois chez sa cousine Élisabeth, ce qui prouve qu’elle disposait de
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