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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps
Autoren: Michel David
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âgées que Neveu et lui, mais, si on se fiait à la rumeur, elles se
plaisaient dans le poste qu'elles occupaient depuis de nombreuses années et
n'avaient jamais été intéressées à changer de place.
     
    Jean-Louis Morin
avait été tellement mortifié par cette nouvelle qu'il n'avait pas hésité à
aller frapper à la porte du gérant, quelques minutes avant l'ouverture de la
succursale à la clientèle. Il fallait qu'il soit vraiment bouleversé pour oser
déranger un personnage tel que Leopold Lozeau. Le gros homme aux lunettes à
monture de corne retranché dans son bureau vitré lui avait jeté un regard agacé
quand il l'avait aperçu sur le pas de sa porte.
     
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    — Oui. Qu'est-ce
qu'il y a? lui avait-il demandé abruptement. Faites ça vite. Les clients sont à
la veille d'entrer.
     
    Jean-Louis avait
fait un énorme effort pour ne pas bafouiller, tant il se sentait mal à l'aise
en présence de celui qui ne lui avait adressé la parole qu'en deux occasions
depuis son arrivée à la succursale.
     
    — J'ai appris que
Neveu s'en allait suivre le cours de moniteur la semaine prochaine, monsieur
Lozeau. Je me demandais pourquoi c'était pas moi. Je travaille à la banque
depuis bien plus longtemps que lui.
     
    — L'aviez-vous
demandé? fit sèchement le gérant, en retirant ses lunettes.
     
    — Oui, monsieur.
Depuis longtemps.
     
    — Il faut croire
qu'on pense pas que vous ayez ce qu'il faut pour faire cette job-là.
     
    Le jeune caissier
se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux avant de demander d'une voix mal
assurée: — Qu'est-ce que Neveu a que j'ai pas, monsieur Lozeau? — Le respect de
ses collègues, monsieur Morin, répondit le gérant sur un ton cinglant. Je sais
pas si vous vous en êtes rendu compte, mais vous êtes un caissier très moyen
et, en plus, je doute que vous ayez un jour l'autorité nécessaire pour former
les futurs caissiers et commis dans une succursale. C'est pour ça que madame
Bélanger et moi, on vous a pas recommandé. À votre place, si je voulais avoir
une promotion un jour, j'essaierais de faire en sorte de pas trop attirer
l'attention de mes collègues. Ils ont l'air de vous trouver pas mal drôle.
     
    — Bien, monsieur,
avait balbutié un Jean-Louis qui n'avait jamais été aussi humilié de sa vie.
     
    — Bon, allez
maintenant vous occuper de votre caisse, lui avait ordonné Leopold Lozeau en
regardant
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    ostensiblement sa
montre... et organisez-vous pour balancer à la fin de la soirée.
     
    Le caissier était
sorti du bureau sans s'apercevoir que Labrie adressait un clin d'oeil de
connivence et un sourire moqueur à Pronovost et à Huguette Bélanger, debout
devant lui. Le moniteur alla ensuite déverrouiller les portes et un flot de
clients s'engouffra dans la succursale pour prendre d'assaut les quatre
caisses. Debout derrière le troisième guichet, Jean-Louis avait ouvert son
encreur et signifié à son commis de venir s'installer à la machine comptable
placée à sa droite.
     
    Pendant l'heure
suivante, il n'avait pas eu un seul instant de répit pour songer aux
implications de la conversation qu'il venait d'avoir avec son patron. Comble de
malheur, il avait fallu, en plus, que la somme dans sa caisse ne corresponde
pas au total des transactions indiqué sur le ruban de la machine comptable à la
fermeture des portes.
     
    Contrairement à
ce qu'il avait affirmé à ses parents, l'erreur venait de lui, et non de son
commis. Mécontents, tous les employés, impatients de quitter la banque après
une dure semaine, avaient dû repousser leur départ pour l'aider à trouver son
erreur. C'était une règle incontournable à la Banque d'Épargne. Personne ne
quittait à la fin de la journée tant que toutes les caisses ne balançaient pas.
     
    Labrie ne s'était
pas gêné pour venir le voir après que la première caissière eut trouvé
l'erreur.
     
    — À ta place,
Morin, je penserais à aller m'acheter une paire de lunettes. Ça fait trois fois
que tu nous obliges à rester après l'ouvrage ce mois-ci. On commence à être
écoeurés de voir que t'es pas capable de faire ta comme du monde.
     
    Jean-Louis avait
eu une envie irrésistible de lui casser la figure. Paul Labrie avait
sensiblement le même âge que
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    lui, mais il
était plus petit et arborait en permanence un air frondeur déplaisant.
     
    — Maudite face de
rat! avait-il murmuré en serrant les dents.
     
    Pendant le trajet
de retour à la maison, le caissier
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