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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps
Autoren: Michel David
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remarqua tout de suite qu'elle avait pris le
temps de changer de chemisier et de se maquiller.
     
    — Est-ce que tu
vas magasiner toute seule? lui demandât-
    elle, de nouveau
soupçonneuse.
     
    — Non. J'ai dit à
Louise que je passerais la prendre après le souper. Elle veut aller s'acheter
une robe.
     
    La mère de
famille parut soulagée d'apprendre que sa fille allait rencontrer sa cousine
plutôt que son amoureux.
     
    Deux ans
auparavant, Carole avait perdu de vue son amie inséparable, Mireille Bélanger.
Cette dernière s'était mariée et était partie vivre avec son mari à Sherbrooke.
Un peu désemparée, la jeune fille s'était mise à fréquenter de plus en plus
assidûment sa cousine, la fille aînée d'Armand Brûlé. Au fil des mois, les deux
jeunes filles étaient devenues des amies intimes.
     
    — J'aime pas ben
ça vous voir sortir toutes seules comme ça, le soir, lui fît tout de même
remarquer Laurette.
     
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    — Inquiétez-vous
pas, m'man. Mon oncle Armand est supposé venir nous conduire et il va même nous
attendre pour nous ramener après.
     
    Elle alla
chausser ses bottes au bout du couloir.
     
    — Essaye quand même
de pas revenir trop tard, lui dit sa mère. Tu le sais que j'ai de la misère à
dormir tant que t'es pas rentrée.
     
    Carole ne
répondit rien. Elle ouvrit la porte et quitta l'appartement de la rue Emmett.
     
    Même sous la
neige, les maisons plus que centenaires de la petite rue ne parvenaient pas à
dissimuler leur délabrement.
     
    Au fil des ans,
elles avaient continué à se détériorer, faute de soins de leur propriétaire, la
Dominion Oilcloth. Les cinq immeubles en briques rouges de deux étages situés
sur le côté nord de la rue paraissaient toujours aussi imposants face aux
petites maisons à un étage du côté sud dont les portes ouvraient directement
sur un trottoir inégal et mal déneigé. Un unique lampadaire éclairait
chichement la rue qui s'ouvrait à l'est sur la minuscule rue Archambault et à
l'ouest, sur Fullum.
     
    Au coin de la
rue, le restaurant-épicerie Paré était devenu, cinq ans auparavant, le
dépanneur Lemieux.
     
    Cependant, le
seul changement apporté par Gustave Lemieux, le nouveau propriétaire, avait
consisté à cesser de servir des hot-dogs et des frites, au plus grand déplaisir
de la majorité de ses clients.
     
    — Calvaire, je
peux pas continuer! s'était exclamé le gros homme mal embouché. Les assurances
me mangent tout rond si je continue cette affaire-là. Le gars de l'assurance
s'imagine que je veux m'amuser à sacrer le feu dans la bâtisse avec de la
graisse de patates frites.
     
    Les habitants du
quartier finirent par accepter sa décision et, durant la belle saison, les
adolescents continuèrent à envahir les marches de l'escalier qui prenait
    17
    naissance
quelques pieds à droite de la porte du dépanneur.
     
    Les Morin
habitaient au rez-de-chaussée de Pavant-
    dernière maison
du côté sud de la rue Emmett, au 2318, depuis trente-quatre ans. Ils y avaient
élevé leurs cinq enfants.
     
    L'appartement
n'avait pratiquement pas changé depuis leur emménagement en novembre 1932. La
vieille porte semi-vitrée à la peinture vert bouteille craquelée s'ouvrait
encore sur un couloir étroit où, dans un renfoncement, l'antique fournaise
avait cédé sa place à une fournaise à huile encore moins performante que la
précédente. Les deux portes à gauche donnaient toujours sur une pièce double
transformée en deux chambres à coucher occupées par Jean-Louis et Gilles. À
droite, on retrouvait la chambre des parents et les toilettes. La cuisine,
située à l'extrémité du couloir, était éclairée par une fenêtre et les carreaux
d'une porte. La chambre de Carole était la seule autre pièce dont la fenêtre
s'ouvrait sur le balcon arrière. Ces deux pièces auraient pu recevoir plus de
lumière si l'escalier en bois conduisant chez les Beaulieu, à l'étage, ainsi
que le hangar au toit de tôle rouillée n'avaient pas obstrué partiellement la
vue. Enfin, la même clôture en bois, haute de quatre pieds, séparait encore la
minuscule cour en terre battue des Morin de la vaste cour commune des vieilles
maisons de la rue Notre-Dame dont on pouvait apercevoir les balcons enneigés.
     
    — Allume donc la
télévision pendant que je vais me chercher une veste, demanda Laurette à son
mari en se dirigeant vers leur chambre à coucher.
     
    Lorsqu'elle
revint dans la pièce, elle jeta un coup
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