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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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provençaux avait extirpé le mal barbaresque. Les villages s’étaient
repeuplés, tout comme la ville de Toulon qui portait depuis 1021 le titre d’évêché.
Mais cette prospérité demeurait fragile. La belle Provence était convoitée de
tous côtés. Et la richesse était loin d’être répartie en parts égales.
    Aubeline se rapprochait de Château-Vieux. Il y avait encore
beaucoup de masures le long du chemin et le nouveau village bâti de maisons
précaires se peuplait d’artisans et de marchands qui avaient fui la misère des
grandes villes. Signes était faite d’enchevêtrements de poutres, de pierres et
de torchis qui grimpaient à la diable vers le ciel. Seuls les châteaux, les
églises et les chapelles avaient été construits pour défier le temps.
    Aubeline contempla le puissant donjon de Château-Vieux. Dans
peu de temps, elle saurait si le comte Bertrand était un homme de parole. Il
avait promis dix marcs d’or à celui qui rapporterait la dépouille du grand loup
solitaire.

4
    Dix marcs d’or ! Dix grosses pièces ! Dix soleils !
Avec un lion et une galiote pour emblèmes. Aubeline et Bérarde s’ébahissaient
en contemplant les pièces alignées sur la grosse table au bois rugueux entaillé
par les couteaux de quatre générations de chevaliers et de soudards batailleurs.
Elles leur semblaient irréelles.
    Pourtant les deux femmes les avaient soupesées, caressées, examinées.
La Burgonde en avait même mordu une pour éprouver sa consistance. C’était bien
du bon or battu dans les ateliers de Venise, de l’or qui ne se dévalorisait
jamais et que les puissants entassaient dans leurs coffres.
    Le comte Bertrand n’avait pas hésité un seul instant lorsqu’elles
avaient fièrement déposé leur trophée à ses pieds après avoir ameuté tous les
gens du château. Le noble et triste seigneur, qui souffrait d’insuffisance
respiratoire et s’obstinait à ne pas prendre de bains – au point que sa jeune
épouse Bertrane refusait de l’approcher et préférait vivre dans le castel des
dames –, avait fait appeler maître Thorius, son trésorier, à qui il avait
ordonné de verser la prime.
    Les chevaliers, les écuyers et les archers présents dans la
grande salle où pendaient les bannières mitées prises à l’ennemi et où les
têtes empaillées de trois émirs sarrasins pourrissaient dans leurs alvéoles, avaient
murmuré des propos désobligeants dans leurs barbes.
    Qu’il était dommage que la Bête ait été tuée par des femmes. Que cet exploit n’honorait pas la maison de Signes. Qu’il était temps de revenir aux
règles instituées par la loi salique et de remettre au pas toutes les
écervelées qui usaient des armes. Qu’il y avait là probablement une diablerie. Qu’elles
avaient eu la chance de trouver le loup blessé et qu’elles s’étaient contentées
de l’achever…
    Aubeline et Bérarde n’avaient cure de ces jaloux, de ces pleutres
qui n’avaient pas répondu à l’appel de la croisade et préféraient se quereller
pour des parcelles de pois chiches et de lentilles.
    Le comte, dont la seule obsession était de plaire à Dieu, à la Vierge et aux saints, n’avait fait aucun commentaire fâcheux. Il ne s’était pas non plus
extasié devant la fille du templier et la femme lige. Au grand étonnement de
ses courtisans, il avait simplement annoncé qu’une messe solennelle sous le
patronage de sainte Marie Madeleine serait dite en l’église Saint-Pierre pour
fêter la délivrance du pays.
     
    Aubeline posa deux doigts sur deux pièces et les fit glisser
sur la table.
    — Voilà pour la charpente, expliqua-t-elle à Bérarde en
levant les yeux vers le plafond de la grosse tour qui dominait le bâtiment
carré de Meynarguette.
    Les poutres pourrissantes s’émiettaient. Des crevasses s’ouvraient
dans les planchers. La pièce supérieure, pendant un temps la chambre de son
grand-père, n’était plus habitable. On ne s’y aventurait plus depuis une
vingtaine d’années. Elle servait de refuge aux pigeons et aux souris.
    Deux autres pour le bétail et les semences… Ah, j’en
oubliais une pour les tuiles du toit. Nous en garderons une pour les temps
difficiles. Reste quatre que nous allons partager.
    Aubeline plaça deux marcs devant son amie. Bérarde suffoqua
à la vue d’un pareil trésor. Elle fit plusieurs « non ! » qu’elle
appuya par de vifs mouvements négatifs de la tête.
    — Arrête de faire ta bêtasse. Cet
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