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La fée Morgane

La fée Morgane

Titel: La fée Morgane
Autoren: Jean Markale
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qu’elle aimait avec toujours autant de passion. Mais Galehot et la
Dame de Malehaut étaient morts, et jamais plus elle ne retrouverait de tels
amis, de tels complices dans cet amour insensé qu’elle portait au fils du roi
Ban de Bénoïc.
    La soirée fut particulièrement désespérante pour Guenièvre. Lorsque
fut venue l’heure d’aller dormir, elle se réfugia dans sa chambre et se mit à
pleurer abondamment. Elle n’avait pour seule compagnie qu’une jeune fille, qui
était sa cousine germaine et qui portait le nom d’Élibel. Elle se serait
volontiers confiée à elle mais elle n’osait pas révéler le secret qui la tourmentait.
Enfin, quand elle fut couchée, elle dormit péniblement de son premier sommeil, secouée
de larmes, et affaiblie par le jeûne car elle n’avait pu, depuis plusieurs
jours, absorber la moindre nourriture.
    Pendant qu’elle dormait, elle eut un songe : il lui
sembla que Lancelot était présent, mieux et plus richement vêtu qu’aucun autre
homme au monde, et si beau qu’on n’eût pas trouvé son pareil. Derrière lui, venait
une jeune fille d’une parfaite beauté que le roi accueillait avec joie et à qui
il faisait prendre place près de lui. Elle-même faisait bonne figure à la jeune
fille et l’entourait d’attentions diverses, lui faisant porter les meilleures
nourritures et de beaux bijoux de valeur. Mais, le soir venu, quand Lancelot
fut couché dans la chambre de la reine et que celle-ci eut voulu le rejoindre
au lit, elle avait eu la surprise d’y trouver déjà la jeune fille. Furieuse et
remplie de douleur devant cette trahison, elle se précipitait sur Lancelot qui,
se dressant brusquement, implorait pitié à grands cris et jurait, par tout ce
qu’il tenait de Dieu, qu’il ignorait que la jeune fille fût là, à ses côtés. Mais
il avait beau se défendre, la reine ne le croyait pas et elle s’entendait lui
défendre de reparaître en sa présence, où que ce fût, ajoutant qu’elle ne l’aimerait
jamais plus. Et Lancelot était si affecté qu’il s’enfuyait sans vêtements, en
braies et en chemise, et qu’il se mettait à courir dans la campagne en hurlant
comme un fou.
    Ce rêve bouleversa Guenièvre. À son réveil, elle se sentit
si mal en point qu’elle n’eut pas la force de se lever. Après avoir fait le
signe de croix sur son front, elle se mit à pleurer et se laissa aller à la
plus cuisante douleur. « Ah ! s’écria-t-elle, cher doux ami Lancelot,
tu es bien plus beau que je ne t’ai vu en songe. Plût à ce Seigneur qui daigna
souffrir la mort pour nous racheter que tu fusses maintenant ici, en pleine
santé, devant moi, même couché aux côtés de cette jeune fille inconnue. Et si j’en
montrais la moindre mauvaise humeur, je veux qu’on me coupe la tête ! Par
Dieu, je ne désirerais rien d’autre, même si l’on m’offrait toutes les
richesses du monde ! » Elle sombra alors dans le désespoir, comme si
elle voyait Lancelot mort devant elle. Après ces longs moments de désolation, elle
s’abîma dans ses pensées. Un étourdissement lui monta alors à la tête, effaçant
même le souvenir de Lancelot. Elle regarda autour d’elle et aperçut une statue
en bois, représentant un chevalier en armes, très richement sculptée. Elle
contempla longuement la statue, au pied de laquelle deux cierges étaient
allumés, répandant une grande clarté dans la chambre.
    À force de la scruter, elle finit par se persuader que c’était
Lancelot lui-même. Elle sortit du lit, se dressa sur ses jambes, se couvrit de
sa chemise et lui tendit les bras : « Ami très cher, dit-elle, approche,
je t’en supplie. Pourquoi as-tu tant tardé à venir me rejoindre ? Approche
et serre-moi dans tes bras, arrache-moi à la mort à laquelle tu me condamnes
par ton absence. Délivre-moi de la pire peine et de la pire souffrance qu’ait
jamais supportées une femme qui aime d’amour le plus noble de tous les
chevaliers du monde. » Mais, voyant que celui à qui elle s’adressait
demeurait immobile, comme s’il était insensible à ses prières, elle s’écria d’une
voix douloureuse : « Ah, Lancelot ! Jamais tu n’as montré tant d’orgueil
à mon égard ! Pourquoi ne réponds-tu pas à mon désir ? Mais qu’importe,
puisque tu ne veux pas venir à moi, c’est moi qui irai vers toi ! »
    Elle se dirigea vers la statue, lui jeta les bras autour du
cou et se mit à la caresser tendrement, comme elle aurait fait
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