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La Fausta

Titel: La Fausta
Autoren: Michel Zévaco
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s’appuyait au plancher. Il se tenait tout raide, dans une immobilité de stupeur, vivant une de ces étranges minutes qui à peine accomplies, ne laissent que le souvenir d’un rêve, comme si elles ne s’étaient pas accomplies…
    Lorsque Fausta fut près de Pardaillan, palpitante, le sein soulevé par le tumulte de sa passion déchaînée, les yeux noyés d’une immense douleur, elle leva ses deux bras qu’un sculpteur eût désespéré de pouvoir jamais imiter en leur forme solide, harmonieuse, délicate et puissante…
    Et ces deux bras, soudain, enveloppèrent le cou de Pardaillan… Elle se colla à lui, l’enveloppa pour ainsi dire tout entier de sa caresse… Et quand elle le tint ainsi, elle saisit sa tête à deux mains, et lentement, tandis qu’un sanglot terrible râlait dans sa gorge, elle attira cette tête à elle… Et alors, ses lèvres pâles, violemment, se posèrent sur les lèvres du chevalier…
    La sensation brûlante de ce baiser fit tressaillir Pardaillan jusqu’au plus profond de l’être… mais ses lèvres, à lui, demeurèrent muettes ! Il ne ferma pas les yeux : il les tint fixés, froids et insensibles, sur les yeux bouleversés de Fausta, de l’Ange devenu femme, de la vierge en qui triomphait tout à coup l’amour.
    Pardaillan reçut le baiser, le violent, le délirant baiser de la vierge. Et il ne le rendit pas… Pardaillan aimait la morte ! Pardaillan, jusqu’à son dernier souffle, devait aimer la morte !…
    Après le baiser, Fausta, lentement, dénoua ses bras et se recula… A mesure qu’elle reculait, il semblait à Pardaillan qu’elle n’était plus la femme, l’être d’amour intense et surhumain, et qu’elle redevenait la Souveraine, la Majesté, la Sainteté…
    Lorsqu’elle fut loin, presque au bout de la salle, près de disparaître, elle parla. Et sa voix parvint au chevalier comme une voix lointaine, peut-être une voix d’outre-tombe ou d’outre-ciel… Et voici ce qu’elle disait :
    — Pardaillan, tu vas mourir… Non parce que tu as voulu abolir mes desseins, non parce que tu t’es dressé devant ma puissance, non parce que tu m’as arraché Violetta, non parce que tu m’as combattue et vaincue… Pardaillan, tu vas mourir parce que je t’aime !…
    Elle s’arrêta un instant. Le chevalier toujours immobile et raide à la même place, toujours appuyé sur sa rapière debout devant lui, la regardait, l’écoutait, et il lui semblait voir une ombre qui s’évanouit, il lui semblait entendre la musique d’un sanglot.
    La voix d’ineffable douceur, mélopée d’amour et de douleur, expression magique d’une force immense, chant prestigieux d’une âme qui veut s’affranchir et consent à son propre désespoir, cette voix, qui sûrement était plus belle qu’une voix humaine, puisque Fausta, dans cette minute inouïe, s’élevait vraiment au-dessus de l’humanité ; la voix reprit :
    — Tu es aimé de celle qui n’a jamais aimé ; ce cœur de diamant qui n’a jamais reflété que la flamme des pensées supraterrestres a reflété ton image ; la vierge d’orgueil et de pureté s’est humiliée devant toi ; parce que je ne dois pas aimer, l’homme que j’aime doit mourir. Pardaillan, je pleure sur toi, et je te tue. Et toi qui aimes la morte, toi qui as compris la gloire et l’harmonie de la fidélité, toi qui portes dans ton âme une morte, une morte vivante, tu comprendras le sens du baiser que la vierge a déposé sur tes lèvres. Puisque je ne suis plus seule avec moi-même dans le secret de mes pensées, puisque quelqu’un est entré malgré ma défense désespérée dans cette âme où nul ne devait pénétrer, celui que je porterai dans l’âme sera un mort, comme celle que tu portes, toi, est une morte. Adieu, Pardaillan, tu as reçu le baiser de Fausta, le baiser d’amour, c’est le baiser de mort.
    A ces mots, Fausta s’éloigna encore, ondoyante et flottante comme une ombre, puis tout à coup, Pardaillan ne vit plus rien : il était seul ; un silence funèbre, un silence de nuit profonde pesait sur lui, d’étranges sensations l’assaillaient : ces paroles d’un mysticisme exalté, confinant à la folie, et qu’un homme ordinaire eût prises pour des paroles de folie, il les avait comprises, lui !…
    Mais Pardaillan n’était pas homme à se perdre longtemps dans le rêve. Il ne tarda donc pas à reprendre pied sur terre ; c’est-à-dire qu’un frisson le secoua, dernier reste des
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